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« Dvorak en Amérique » avec le Quatuor Tchalik en ouverture de la Biennale de Quatuors à cordes 2022 – Intelligence et sensibilité – Compte-rendu
Originale et excellente idée que le « Dvořák en Amérique » par lequel la Biennale de Quatuors à cordes s’est ouverte cette année ! Eh oui ... les plus mordus de musique classique oublient parfois tout ce que leur univers de prédilection peut comporter d’intimidant, d’excessivement codé et « entresoiesque » pour de nouveaux venus. Des « mises en situation » telles que celle proposée pour le 12e Quatuor « Américain » de Dvořák (le compositeur fil rouge de la Biennale 2022) ne peuvent que contribuer à les rassurer en leur fournissant de précieuses clefs pour savourer au mieux une partition.
C’est au comédien Alain Lenglet, venu du Français, et à la voix off de Valli, que revenait la première partie du spectacle (Anne Delrieu est à la réalisation audiovisuelle), avec le Quatuor Tchalik présent dès le départ sur scène. En une demi-heure mêlant narration, images filmées, photographies, citations de lettres, extraits musicaux (par les instrumentistes ou sous forme de brefs extraits tirés d’enregistrements ; de la « Nouveau Monde » et du Te Deum en l’occurrence), l’Opus 96 est replacé dans son contexte biographique (on voit que les spectacles pionniers de Jérôme Pernoo au Centre de Musique de Chambre de Paris, salle Cortot, font école ; ce dont on ne peut que se féliciter !). Le texte du livret, conçu par Pauline Lambert, évite l’écueil du didactisme pesant, tout comme les facilités façon le-voyage-aux-States-d'Antonin-dont-la-mélodie-a-été-reprise-dans-la-chanson-de-machin.
Rien de cela, mais tout au contraire une approche solidement documentée et, surtout, pleine de sensibilité qui traduit la personnalité attachante d’un créateur étranger aux systèmes, à l’intellectualisme, amoureux de la nature et profondément enraciné dans la terre de Bohème.
Vient le plat de résistance, le Quatuor « Américain », confié à l’une des meilleures formations de la nouvelle génération. Peu de temps après la sortie d’un enregistrement de référence des deux quatuors de Camille Saint-Saëns (1), les Tchalik offrent un nouvel exemple de leur exceptionnel talent. Point de couleurs trop vives dans l’Allegro ma non troppo, fusionnel et d’une effusive expressivité. Le lyrisme et la longueur d’archet de Gabriel Tchalik (1er violon), comme ceux du violoncelle de son frère Marc font merveille dans un prégnant Lento. Quant au scherzo et au finale, on reste admiratif de l’intelligence musicale avec laquelle les quatre archets savent traduire avec la plus humaine simplicité la nostalgie qui habite ces pages et ne jamais s’en tenir au premier degré de la seule vigueur rythmique, en rien négligée pour autant.
Alain Cochard
(1) https://www.concertclassic.com/article/le-quatuor-tchalik-interprete-les-deux-quatuors-de-camille-saint-saens-le-disque-de-la
Paris, Cité de la musique, 12 janvier 2022 / Biennale de Quatuors à cordes, jusqu’au 23 janvier 2022 : philharmoniedeparis.fr/fr/agenda?startDate=2022-01-12&weekend_i=784
Photo © Steve Murez
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