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DVD « Balanchine in Paris » - Trois questions à Dominique Delouche, réalisateur

Ce surdoué polyvalent, qui tenta piano, chant et théâtre, a finalement choisi de filmer la danse. Et sa caméra amoureuse a permis de constituer un trésor d’instants subtils, qui sans lui, se seraient évaporés, tant sont rares les archives du ballet, et surtout les passations de styles. Un style rigoureux, humble et éclairé d’une immense culture chorégraphique, et voilà que sont sauvées Mesdames Yvette Chauviré (Une étoile pour l’exemple), Nina Vyroubova, Violette Verdy et bien d’autres, donnant un sublimé de leur talent à celles qui les ont remplacées. Aujourd’hui, à l’heure où Paris est en plein frémissement balanchinien avec la venue du Miami Ballet au Châtelet, il regroupe ses meilleures séquences sous le titre Balanchine in Paris, et y joint une pépite: une séance de travail entre Patrick Dupond, tout jeune et John Neumeier. Jamais sans doute, l’acte créateur d’un chorégraphe n’a été mis à nu avec autant de violence. Bravo Mister D.

Parmi toutes ces étoiles que vous avez filmées, laquelle est la plus chère à votre cœur ?

Dominique DELOUCHE : Nina Vyroubova, pour laquelle j’ai fait le film Les Cahiers retrouvés. Elle me bouleversait quand j’étais jeune et je l’ai accompagnée en Russie pour son dernier voyage. J’ai aussi une admiration sans bornes pour Chauviré : personne aujourd’hui n’atteint à une telle perfection stylistique et émotionnelle. J’avais enfin un regret permanent ; celui de ne pas avoir capté Ghislaine Thesmar, grande interprète balanchinienne autant que romantique. Elle a longtemps hésité, et a finalement accepté de me servir de fil conducteur dans cette promenade chez Mister B, qui ouvre sur Le Palais de cristal, dont elle dansa la version originale. Elle le fait avec l’intelligence et la finesse qui sont sa marque.

Qui vous a manqué dans la prestigieuse galerie passée sous votre objectif ?

D. D. : Marcia Haydée, incomparable ballerine qui a brillé à Stuttgart dans les œuvres de Cranko et de Neumeier. J’avais commencé un film sur elle mais la réalisation s’en est avérée impossible pour des raisons pratiques ! Et il y en a tant d’autres que j’aurais voulu capter, mais c’est à chaque fois une telle bataille pour les droits, les autorisations. Aujourd’hui, je suis octogénaire et las de tous ces tracas. Ce film est mon dernier et je vais me consacrer à l’écriture sur mes maîtres au cinéma, Ophuls, Bresson, Fellini, dont j’ai été l’assistant, et sur Danielle Darrieux, dont j’ai toujours suivi la carrière avec passion.

A ces séquences où les grandes dames de la danse offrent leur substance à Isabelle Ciaravola, Myriam Ould Braham, Lucia Lacarra, bref, les meilleures d’aujourd’hui, vous ajoutez une surprise, ce pas-de-deux Dupond-Neumeier.

D. D. : Oui c’est inédit, car ce film après avoir été tourné aux Buttes Chaumont pour l’ORTF, en 1982, est tombé dans les oubliettes. Il a été jugé malsain, sado-maso. Il est certain que les rapports du créateur et de la créature y sont montrés de façon ambivalente, puisque le propos est de jongler entre Petrouchka et son maître le magicien. Un thème revisité par Neumeier, comme à son ordinaire, sur une problématique qui le poursuit, notamment dans les rapports Nijinski-Diaghilev. Le cachet de l’aventure étant notamment que Dupond ne savait rien de ce qu’il allait devoir faire, ni sur quelle musique. D’où la tension palpable. Ce sont les seules images que j’ai de Neumeier, dont j’admire tant le romantisme sombre, et que j’aurais pu davantage capter si j’avais fait mon film sur Marcia Haydée, l’une de ses muses. Il est unique.

Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 13 juillet 2011

(1) Balanchine in Paris, 1 DVD Doriane Films
Les Etés de la Danse/ Ballet de Miami
Jusqu’au 23 juillet 2011
Paris – Théâtre du Châtelet
www.chatelet-theatre.com

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Photo : DR
 

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