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Du Baroque à Verdi - Une interview de Sonya Yoncheva, soprano

A 31 ans, Sonya Yoncheva s'affirme comme l'une des valeurs montantes de la nouvelle génération. Poppea applaudie l'an dernier à Lille, avant de l'être dans une sensuelle Leïla à l'Opéra Comique quelques mois plus tard, l'attachante soprano bulgare va incarner Violetta à Monte-Carlo à la fin du mois, avant d’incarner Musetta à Londres en février-mars. Entre deux répétitions, elle a accepté de répondre aux questions de concertclassic.

On vous a souvent entendu ces dernières années dans la musique baroque. Avec Leïla et Violetta, votre répertoire semble maintenant évoluer...

Sonya Yonchev : Depuis que j'ai gagné le concours Operalia en 2010, beaucoup de portes se sont ouvertes. Mon répertoire s'étend pour le moment jusqu'à Puccini, avec Musetta que je vais chanter à Covent Garden en février-mars. Mais ce qui est amusant c'est que, avant mes années au « Jardin des voix », le baroque était pour moi un terrain inconnu.

Justement, comment avez-vous découvert le programme de William Christie ?

S. Y. : Avant 2007, je ne connaissais pas du tout le répertoire baroque. Un jour, mon professeur au Conservatoire de Genève, Danielle Borst, a proposé une master class pour un après-midi avec William Christie. J'avais choisi d'auditionner avec un air d'Alcina, "Mi restano le lagrime", et j'avais pensé qu'il fallait l'accompagner au clavecin. William Christie m'a répondu "Haendel, ça sonne mieux au piano" et il s'est mis au clavier. C‘était le début d‘une aventure artistique.

Comment ce travail a t-il changé votre approche du répertoire?

S. Y. : C'est une merveilleuse école pour approfondir le travail du texte, l'attention au sens des mots. Vous savez, je me sens avant tout interprète. Sur scène, je suis comme une actrice qui cherche la juste valeur, des notes comme des paroles, pour transmettre au public les émotions de mon personnage.

Quelles sont les personnes qui vous guident le mieux dans vos choix ?

S. Y. : Je ne voudrais pas paraître présomptueuse, mais je dirais que mon premier guide, c'est mon instinct. Puis j'ai avec mon fiancé, Domenico Menini, qui est ténor, un conseiller artistique spécial. Il y a aussi les Domingo, Placido, qui trouve toujours le temps, malgré ses nombreux engagements, de me faire profiter de sa longue expérience, mais aussi Alvaro, son fils, et Marta, son épouse, qui me sont également très proches.

Revenons à La Traviata. Est-ce la première fois que vous abordez le rôle ?
S. Y. : Pas tout à fait. Je l'ai chanté à Kuala Lumpur en septembre dernier : c'était le premier opéra auquel assistait un public malaisien. D’ailleurs j'avais à mes côtés le même Alfredo qu’à Monte-Carlo, Jean-François Borras. Ensuite, en octobre, j'ai rodé le rôle deux fois avec Eve Ruggieri et j'ai remplacé au pied levé une soprano russe à la Staatsoper de Berlin, dans une reprise d'une mise en scène, très moderne et un peu « spéciale » (de Peter Mussbach ndlr). C'était juste pour un soir, sans répétitions. Ici c'est donc la première fois que j'assure le rôle dans une "vraie" production, avec un vrai travail théâtral.

Justement, pouvez-vous nous parler un peu de cette production ?

S. Y. : Elle est d'apparence classique. Jean-Louis Grinda a choisi de souligner la jeunesse des deux amants. Ils s'aiment et sont comme sans âge. C'est une idylle contrariée par la maladie. Alors que dans l'opéra, c'est Violetta qui abandonne Alfredo, dans la "vraie" histoire, c'est Alphonsine Duplessis qui avait été abandonné par Alexandre Dumas - sans doute avait-il peur de voir sa maîtresse malade et mourir.

Quels sont vos projets - et vos rêves ?

S. Y. : : Dans quelques mois, je chanterai Juliette (dans Roméo et Juliette de Gounod) à Avignon, puis Donna Elvira à Aix et Gilda à Vérone cet été. Mais j'ai surtout envie d'approfondir le répertoire français, étant donné que maintenant je parle la langue, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. Il y a Manon de Massenet, pas encore confirmé. Et Ophélie, que je chanterai à La Monnaie l'automne prochain avec Mark Minkowski dans la mise en scène d'Olivier Py (présentée au Theater an der Wien au printemps dernier ndlr). Et puis aussi le cinéma, qui m'intéresse pour le travail expressif sur le visage et le corps...

Propos recueillis par Gilles Charlassier, le 16 janvier 2013

Verdi : La Traviata
Du 25 janvier au 3 février 2013
(Le rôle de Violetta est tenu en alternance par Desirée Rancatore et Sonya Yoncheva ; on pourra entendre cette dernière les 25, 27 et 31 janvier et le 2 février)
Monte-Carlo – Opéra
www.opera.mc
Site officiel de Sonya Yoncheva : www.sonyayoncheva.com

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Photo : fotoclaudio
 

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