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Double regard d’Idomenée par Campra et Mozart à Tourcoing

Entre Lully, Charpentier, ou Rameau, il y a sans doute eut peu de place pour les compositeurs qui leurs étaient contemporains… Et pourtant, certains sortent de l’ordinaire, comme André Campra dont notre siècle redécouvre les œuvres avec bonheur. La programmation de l’Atelier Lyrique de Tourcoing rend ainsi hommage à ce musicien français, dont la plume innova tout autant qu’elle inspira.

En effet, l’on pourra entendre pendant trois jours l’opéra lyrique de Campra, puis, apprécier une semaine plus tard l’influence que celui-ci eut sur Mozart. En somme, il s’agit là d’une belle mise en perspective de l’histoire d’Idoménée, qui témoigne de l’évolution de l’écriture musicale comme des goûts alors changeants.

Pourtant plusieurs paramètres distinguent les deux œuvres. Adepte des « goûts réunis », c’est-à-dire d’un savant mélange des styles français et italien, mais aussi très ancré dans la tradition lulliste, Campra se conforme à la structure typique de la tragédie lyrique, où les trois règles d’unités se déclinent sur les traditionnels cinq actes. Les « Dei ex machina » sont encore là, faisant passer l’auditeur de sentiments extrêmes aux scènes plus légères, le tout sous la forme d’un divertissement.

Ce n’est que soixante-neuf ans plus tard que Mozart compose son Idomeno. Cette fois-ci il s’agit d’un « opera seria ». Le propos n’est plus tant axé sur la variété de composition, les chœurs, symphonies et ballets ne sont plus que des adjuvants d’une intrigue ici resserrée. Le livret initial, écrit par Danchet est partiellement revu, coupé, presque métamorphosé par le librettiste Varesco, qui revoit l’œuvre en seulement trois actes. Ainsi allégée, la partition se réoriente vers un autre style musical, plus classique, même si profondément marquée par sa première édition.

Saluons donc l’initiative de Jean-Claude Malgoire (photo ci-dessus), ce féru du baroque (depuis maintenant plus de trente-cinq ans !), qui nous offre lors de deux séries de concerts une mise en regard de ces deux chef-d’œuvres. C’est là une passerelle inattendue qui se crée entre Campra et Mozart, avec à la clé des solistes dignes d’incarner ces personnages hauts en couleurs. Dans ces répertoires qui sont désormais des sentiers battus pour le chef, et avec une belle palette vocale sous la baguette, on ne peut qu’espérer un joli jeu de miroirs… car en moins de dix jours, le baroque trouve là son équivalent classique.

Coralie Welcomme

Photo : DR
 

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