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Don Quichotte de Massenet en version de concert à Toulouse – Des risques de l’internationalisation – Compte-rendu
L’affiche ne manque pas de surprendre. Pour défendre cet opéra français, composé à partir du plus mythique des romans espagnols, le rôle-titre est tenu par un Italien, tandis que le chef et les autres solistes sont d’origine slave. Doit-on, au nom d’un nationalisme culturel farouche, voir en cela un handicap ? Oui, lorsque l’on se rend compte, comme c’était le cas lors de ce concert, qu’une part essentielle de l’originalité et de la sensibilité de Massenet disparaît sous un vernis international, fort séduisant certes mais trop souvent hors de propos.
Comme à son habitude, Tugan Sokhiev obtient de « son » Orchestre du Capitole des couleurs, des contrastes et des rythmes d’une richesse extrême, mais, à plus d’un moment, l’on se demande si cette rutilance sonore ne conviendrait pas mieux à Rimsky-Korsakov. A côté de tableaux qui s’imposent par leur spectaculaire dynamique (l’attaque des moulins à vent, par exemple), d’autres se perdent dans un exotisme ibérique trop complaisamment souligné. Une volontaire préciosité de style, tout un esprit « fin de siècle » encore présent dans cette « comédie héroïque », ont été oubliés. Certes Don Quichotte avait été créé, en 1910, à Monte-Carlo, par Fédor Chaliapine, la grande basse russe, mais l’on sait aussi que Massenet lui préférait Vanni-Marcoux qui, peu de temps après, devait reprendre ce rôle à Paris. Il semble indispensable, en effet, qu’ici tout particulièrement la prosodie ne souffre aucun défaut. Chaque mot doit conserver sa juste sonorité. Chaque nuance a son importance. Or, à l’exception des Chœurs du Capitole, c’était loin d’être le cas pour cette version de concert donnée à la Halle aux Grains. Vingt-cinq ans exactement après le superbe enregistrement réalisé dans le même lieu, sous la direction de Michel Plasson, avec José van Dam, Alain Fondary et Teresa Berganza (EMI).
Anna Kiknadze, Tugan Sokhiev, Ferruccio Furlanetto © Patrice Nin
Faute de comprendre toujours ce qu’ils chantent, reconnaissons aux trois principaux interprètes une volonté louable de donner vie à leurs personnages. Avec son timbre coloré et sensuel, Anna Kiknadze transforme Dulcinée en proche parente de Carmen. Au prix d’une usure vocale perceptible, Ferruccio Furlanetto (photo) campe un « chevalier de la longue figure » particulièrement émouvant et ses derniers instants constituent incontestablement un beau moment de théâtre. S’agit-il là pour autant d’une incarnation mémorable ?
Egaré de toute évidence dans un tel répertoire, Andrii Goniukov fait de son mieux pour donner de la consistance, sinon du style, à Sancho Pança. Issus du programme des jeunes artistes du Bolchoi, Anastasia Barun (Pedro), Evgenia Asanova (Garcias), Taras Prysiazhniuk (Rodriguez) et Sergei Radchenko (Juan) complètent avec conviction cette distribution insolite, si peu française de ton.
Qu’en penseront les spectateurs du Musikverein de Vienne qui, le 1er mars, assisteront à une reprise de ce concert, à nouveau dirigé par Tugan Sokhiev, avec l’Orchestre du Capitole et les mêmes solistes, mais cette fois-ci avec le Chœur Wiener Singverein ?
Pierre Cadars
Massenet : Don Quichotte (version de concert) – Halle aux Grains, 24 février 2017. Reprise le 1er mars à Vienne (Musikverein) bit.ly/2mvfmwR
Photo © Patrice Nin
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