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Don Giovanni au Metropolitan Opera – Le retour en force de Simon Keenlyside – Compte-rendu

Le Don Giovanni présenté au Metropolitan Opera valait avant tout pour le retour à la scène de Simon Keenlyside (photo), absent depuis de longs mois pour raisons médicales. Aussi curieusement que cela puisse paraître le célèbre baryton n'avait jamais interprété le héros mozartien sur la scène new-yorkaise, un rôle dans lequel il a laissé de nombreux témoignages audio et vidéo, notamment sous la baguette de Claudio Abbado (DG 1997). Apparemment remis d’un douloureux épisode, Keenlyside campe dans la régie linéaire, convenue et lourdement descriptive de Michael Grandage, un Don Giovanni plus mûr que par le passé, un rien désabusé, qui connaît la vie et ses vicissitudes, même s'il tient à rester aux yeux du monde un séducteur invétéré.

Très à l'aise dans son corps, libre dans ses gestes, son personnage ne tient pas en place, bravant les dangers qui s'abattent sur lui avec un panache à la Cyrano tout à fait intéressant. La voix stable, sans vibrato, comme le timbre toujours souple et corsé demeurent inchangés, seule la variété des couleurs autrefois si spécifiques à sa personnalité vocale ont semblé ce soir plus limitées. On eût aimé que lui soit associé un valet plus inspiré que celui tenu par le terne Adam Plachetka : d'abord traditionnelle, sa composition sans relief est rapidement devenue lassante et routinière, d'autant que son Leporello correctement chanté, n'a pas été en mesure de compenser sa placidité scénique.

 

© Marty Sohl / Metropolitan Opera

Contraints d'arpenter sans directives précises le vaste plateau du Met, encombré par un lourd décor tout ensemble façade d'immeuble décrépie et cour intérieure entourée de galeries, les autres protagonistes parviennent difficilement à rehausser le niveau général. Kwangchul Youn égrène les notes de son Commendatore sans trop y croire, Matthew Rose n'évite pas la banalité en Masetto, tandis que Paul Appleby compose un Ottavio d'une belle sincérité musicale, réussissant en particulier son premier air « Dalla sua pace » marqué par une reprise pianissimo magnifique, au tempo étiré.
 
Chez le femmes, la Donna Anna de Hibla Gerzmava, plutôt nuancée au départ, s'avère au fil des scènes trop volumineuse pour ce rôle dans lequel sa voix s'épuise au point de saturer dans « Non mi dir » et d'échouer dans le dernier court duo « Al desio di chi m'adora », preuve qu'elle a été mal distribuée. Très flattée par les costumes de Das Gewand qui lui donnent l'allure vaporeuse d'une toile de Turner, Malin Byström fait valoir un tempérament impétueux qui sied à cette Elvira volcanique, défendue avec une certaine assurance vocale. Sa prestation manque pourtant de finesse et de subtilité pour convaincre totalement au second acte, où on la sent partagée face à l'approche à adopter pour servir au mieux cette héroïne contrastée. Son timbre et son agilité conviendront sans aucun doute mieux à Donna Anna qu'elle a déjà abordée et qu'elle retrouvera prochainement sur cette même scène. Quant au chant bâclé et aux aigus pris en dessous de Serena Malfi en Zerlina, ils offrent une piètre image des espoirs que la jeune mezzo a pu susciter il y a quelques saisons.
 
Dans la fosse, Fabio Luisi à la tête de l'Orchestre du Met, merveilleusement discipliné, propose une direction classique sans doute, mais d'un goût, d'une élégance et d'une sûreté stylistique qui font tout le prix de la soirée.
 
François Lesueur

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Mozart – Don Giovanni – New-York, Metropolitan Opera, 19 octobre 2016 / www.metopera.org/
 
Photo © Marty Sohl/ Metropolitan Opera

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