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Disparition de Pierre Lacotte (1932-2023) – Le recréateur de La Sylphide s’est envolé

Un missionnaire, un amoureux d’une rigueur terrible quand il s’agissait de préserver les traces du ballet romantique : tel fut Pierre Lacotte (photo), poète du mouvement et touché au cœur par les émois des auteurs du XIXe siècle. Immense carrière que celle de ce danseur de bonne tenue, proche de Lifar et de Chauviré, puis de Noureev, très vite atteint par le virus de la chorégraphie, tandis qu’il continuait de se produire de par le monde. Puissante personnalité qui aimait à entreprendre autant qu’à rêver, il dirigea les ballets des JMF et les Nouveaux Ballets de Monte Carlo, notamment. Et, pleinement homme de son temps, il collabora avec Edith Piaf, créant sur des pages de Sydney Bechet, d’Aznavour ou de Duke Ellington, autant que de Rameau.

Mais le génie romantique le surveillait, et se penchant sur l’histoire de son art, il fut kidnappé par la saga de La Sylphide, porte enseigne, en 1832, du ballet romantique naissant. Une femme ailée s’imposait dans sa vie tandis qu’il trouvait sa propre muse, aérienne comme l’héroïne créée par Marie Taglioni : la sublime Ghislaine Thesmar, son épouse et incarnation de ses rêves, fut en 1972 l’héroïne de cette renaissance, événement historique dans les annales du ballet classique.
 

Le Rouge et le Noir au Palais Garnier en 2021 © Svetlana Loboff — OnP

Depuis, Pierre Lacotte n’a cessé, à coups de recherches de bénédictins dans tous les documents d’époque, de reconstituer un répertoire englouti, auquel il a rendu sa force de frappe et de charme, notamment avec le Papillon, autre triomphe de la Taglioni ou Marco Spada. Avec jusqu’au bout, le même entêtement passionné pour des valeurs parfois en perdition : les beaux pieds, les beaux cambrés des chaussons à pointes lui tenaient particulièrement à cœur.Et, joie suprême, en octobre 2021, il put enfin réaliser son grand projet, avec le Rouge et le Noir (1), grande fresque stendhalienne, riche de très beaux moments, et ce grâce à Aurélie Dupont, qui tint bon malgré le retard imposé par la pandémie coronarienne. Mission accomplie pour ce nouveau Taglioni. Un monde disparaît. Espérons que les Sylphides continueront à voleter sur ces rêves évanouis.
 

 

11/04/2023

(1) Lire de CR : www.concertclassic.com/article/le-rouge-et-le-noir-ballet-de-pierre-lacotte-lopera-de-paris-le-grand-style-compte-rendu

Photo © DR

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