Ils seront 85 sur la ligne de départ à Varsovie, le 2 octobre, pour la XIXe édition du Concours Chopin qui, avec 642 dossiers déposés a battu tous les records en nombre de candidatures (avec une très forte présence de l’Asie). Parmi celles-ci, 171 ont été retenues pour aboutir, après un tour préliminaire devant un jury au printemps, à la liste officielle des 85 candidats. Une manière de concours avant le Concours donc et, déjà, une belle marque de reconnaissance pour ceux qui y figurent.
Dans le cadre des concerts Jeunes Talents qu’il organise depuis une demi-douzaine d'années avec Yamaha –  et, c’est une première, en partenariat avec le Concours Chopin – le Festival de Musique de Menton a eu la bonne idée d’inviter six candidats au XIXe Concours, pour deux concerts les 25 et 30 juillet, chacun partagé entre une partie récital et l’un des deux concertos du Polonais.

 

Diana Cooper © Loïc Lafontaine - Ville de Menton

 
Fluidité et raffinement 
 
Le premier d’entre eux réunissait la Franco-Britannique Diana Cooper, l’Italien Ruben Micieli et le Bulgare Hassan Ignatov. Concertclassic vous avait déjà signalé il y a deux ans le talent de Diana Cooper à l’occasion d’un récital Chopin à Paris, dans la saison Jeunes Talents.(2) C’est à elle que revient d’ouvrir le programme de Menton avec la 2e Ballade op.38. Une pièce au cours de laquelle elle montre une remarquable maîtrise des contrastes et transitions, avant de se plonger dans un opus de caractère tout différent avec la Barcarolle. Son sens poétique s’exprime avec autant de fluidité que de raffinement de la palette. Un peu frustrant de voir une artiste d’une aussi belle sensibilité s’arrêter si vite, mais c’est la règle du jeu.

 

Ruben Micieli © Yoann Varol - Ville de Menton

 
Dans le velours du son
 
Pianiste, chef d’orchestre et compositeur, Ruben Micieli lui succède avec d’abord une Etude op. 25/7 très attentive au phrasé, puis les Trois nouvelles études, pages trop rarement données et merveilleusement restituées ici, dans le velours du son, avec des tempi plutôt retenus. Le Sicilien prend son temps aussi dans la Ballade n° 1 afin de construire un récit. Une conception assumée et dominée, mais – attention ! –  qui prend le risque de parfois sacrifier un peu trop l’élan au profit de la narration.
À Hassan Ignatov de clore la partie récital. Ses quatre Mazurkas op. 30, très prenantes, se révèlent à la fois remarquables de caractérisation et (on le comprend lorsque se termine la dernière pièce du cahier ; du mini-cycle serait-on presque tenté d’écrire) tout autant de compréhension de la logique d’opus, essentielle dans l’esprit Chopin lorsqu’il rassemble des pièces brèves. La Polonaise « Héroïque » conclut, noble, fière, sans esbroufe, avec une partie centrale aussi fouillée que séduisante.

 

Hassan Ignatov © Loïc Lafontaine - Ville de Menton

 
Concerto partagé
 
Après le récital partagé, il en va de même pour le Concerto n°1, la réduction d’orchestre étant confiée à Mychal Szymanowski (photo à g. ). Dans l’Allegro maestoso, Diana Cooper montre beaucoup de naturel et de fraîcheur et son jeu radieux trouve un bel équilibre entre la dimension brillante et l’empreinte belcantiste.
Position délicate que celle de Ruben Micieli qui doit se glisser entre ses deux collègues pour le Larghetto. Il s’en sort remarquablement et parvient à vraiment « s’installer » dans ce nocturne avec une sonorité très riche. On avait apprécié le sens de la danse d’Hassan Ignatov dans la Polonaise op. 53, il en va de même pour le Rondo final de l'Opus 11 que le Bulgare mène avec beaucoup de nerf – avec la jeunesse de ses 21 ans ! – mais sans pour autant oublier de chanter. Ceci sous le regard attentif de son frère jumeau Ibrahim, avec lequel il forme un duo.
Un concert conçu sur le même modèle, avec le 2e Concerto en fa mineur cette fois, attend les mélomanes le 30 juillet et leur permettra de découvrir trois autres candidats au Concours Chopin : Kwanwook Lee, Andrzej Wierciński et Eva Strejcova.
 
Et ... rendez-vous le 23 octobre pour la finale orchestre et l’énoncé du palmarès du XIXe Concours Chopin, dont le jury sera cette fois présidé par l’Américain Garrick Ohlsson
 
Alain Cochard