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Deauville - Compte-rendu : Bertrand Chamayou et Jonas Vitaud, l'accord parfait

Le Festival de Pâques de Deauville fête son 10ème anniversaire. Fondée par Renaud Capuçon et quelques amis tels que Nicholas Angelich ou Jérôme Ducros, la manifestation a su fédérer au fil des ans nombre de talents, tous mus par la passion de la musique de chambre. Une famille musicienne s’est constituée et se retrouve chaque année en avril, près de l’oreille attentive et avisée du directeur artistique : Yves Petit de Voize.

Les pianistes Bertrand Chamayou et Jonas Vitaud sont désormais des habitués de la manifestation. Tous les deux issus du Conservatoire de Paris, l’un élève de Jean-François Heisser, l’autre de Brigitte Engerer, ils ont eu en commun leur professeur de musique de chambre : Christian Ivaldi. Ce fin musicien n’est sûrement pas étranger à la qualité de l’écoute mutuelle de deux artistes aux personnalités différentes et très complémentaires. Et il en faut car leur passionnant programme n’offre aucun droit à l’erreur…

Monument, Selbsportrait, Bewegung de Ligeti, partition fascinante dans son millimétrique amour du détail, montre d’emblée chez les interprètes une rare capacité de fusionner les sonorités des pianos pour que seule demeure, par-delà une captivante étude de couleurs et de rythmes, une vibration poétique.
Transcrites par Bartok pour deux pianos, les sept pièces tirées des Mikrokosmos trouvent naturellement leur place après l’ouvrage de Ligeti. On remonte dans le mémoire de la musique hongroise… Pleine de fragrances, de timbres, fouillée, vivante et franche, mais sans une once de sécheresse, l’approche du duo touche sa cible avec alacrité, tact et sensibilité.

La version originale de La Valse de Ravel est destinée à deux pianos ? Certes, mais entre la mouture originelle pour piano seul et le formidable « poème chorégraphique » pour orchestre, le deux pianos fait à la vérité figure de version intermédiaire. On éprouve toujours un brin de frustration en l’écoutant, mais on ne saurait bouder des interprétations de ce niveau. Chamayou et Vitaud ne surchargent pas le discours, n’opacifient pas inutilement la texture, mais cherchent plutôt - et parviennent ! – à montrer combien l’écriture à deux pianos appelle, désire l’intervention du génial orchestrateur !

Aussi exigeant musicalement que physiquement, le récital se referme par les Visions de l’Amen de Messiaen. Très rare au concert, cet ouvrage se révèle passionnant dans la mesure où il précède de peu dans la chronologie les Vingt Regards et tient lieu de « laboratoire » d’un compositeur en devenir. Terre de contrastes et de couleurs, les sept Visions sous les doigts des deux artistes révélaient une parfaite compréhension d’une conception très orchestrale du deux pianos et du rôle bien précis imparti à chacun des instruments. Pas un temps mort dans cette exécution charnelle et engagée, conclusion d’une soirée synonyme d’accord parfait.


Alain Cochard

Deauville, le 16 avril

Prochains et derniers concerts du Festival les 21 et 22 avril

Photo:DR


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