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Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin à la Philharmonie de Paris – Fusion totale - Compte-rendu

La battue est toujours la même : précise, ferme, volontaire, droite comme la silhouette du chef, dressé comme un rocher face à la marée de ses musiciens. Daniel Barenboim fait front avec l’impérieuse nécessité qu’on lui connaît, et le résumé est un moment d’anthologie non tant stylistique, mais de témoignage de fusion totale entre des instrumentistes et leur leader. Très allemand, contrairement à la Philharmonie de Berlin qui est une véritable mosaïque, l’Orchestre de la Staatskapelle Berlin perpétue le grand art germanique dans la puissance de ses visées, le grandiose de ses développements, le rigoureux de ses structures. Une identité qui se marie à merveille avec les vouloirs du chef, lequel a tout connu du répertoire symphonique et lyrique, sous toutes les latitudes.

© AduParc - Philharmonie

Pour cette séquence parisienne, saluée avec frénésie par un public ébloui par tant de perfection, Barenboim a donc joué la carte de Mozart et de Bruckner : deux facettes qui mettent en valeur les aptitudes de l’orchestre à changer de vêtement tout en gardant son axe. Après la 8e Symphonie de Bruckner la veille, il a donc pour son second concert, joué et dirigé du clavier le 23e Concerto KV 488 de Mozart, comme il aime à le faire. D’emblée, la montée des cordes est apparue planante, suspendue, envoûtante par la fusion intime de ces sensibilités nouées. Le ton était donné, celui d’un classicisme souverain, d’une chaleur sans excès, d’une ligne fermement  tenue. Un Mozart riche, dense, que Barenboim dessinait  sans forcer sur sa présence, le piano devenant un instrument de l’orchestre et le soliste se voulant plus chef que personnalité isolée.
 
Puis le monument brucknérien, par lequel il est entré cette fois par la porte de la 9e Symphonie - inachevée, mais le compositeur l’aurait il pu vraiment tant l’œuvre n’en finit pas de contempler ses propres splendeurs ? La musique ici, magnifique par ses thèmes, ses contrastes indéfiniment répétés, ses envolées démesurées, émeut par ses aspirations désespérées auxquelles le chef a pu donner une structure, une sorte d’équilibre qui permet de se retrouver dans cet océan. Nuances infinies des cordes de la Staatskapelle, qui pourtant ne s’alanguissent pas, car Barenboim ne leur en laisse pas le loisir, merveilleux bois.
 
Outre la force quasi mystique de l’Adagio on a été emporté par la furia du motif paysan, furieusement martelé dans le Scherzo, et notamment par la ligne des huit violoncelles, ferraillant dans cette sorte de lourde danse macabre. Le tout finissant vers des cimes, sans jamais atteindre au lyrisme véritable : le drame contrasté de Bruckner, dont le chef a pu ainsi montrer tous les éléments. Si Dieu avait besoin de Bach, Bruckner lui, a besoin de Barenboim, qui le respecte et l’éclaire.
 
Jacqueline Thuilleux

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Philharmonie de Paris, le 10 septembre 2017
 
Prochains concerts de Daniel Barenboim à la Philharmonie de Paris : le 27 octobre 2017, avec le West-Eastern Divan, le 19 janvier 2018, récital Debussy.

Photo © AduParc - Philharmonie

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