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​Création mondiale et mélodie française à l’Orchestre Lamoureux – Quand la musique saisit – Compte-rendu

 
La musique devrait pouvoir saisir chacun, ouvrir à l’écoute, inviter à la surprise. C’est avec cette idée en tête que le compositeur Marc Kowalczyk s’est lancé dans un projet hors norme : une œuvre que des amateurs, sans connaissance préalable de l’écriture musicale, puissent aborder aux côtés de professionnels, dans les configurations instrumentales (ou vocales) les plus diverses. Cette démarche, Marc Kowalczyk, la conduit en trois étapes. D’abord – et c’est une première – une campagne d’affiches dans le métro parisien et sur les colonnes Morris invite les curieux à s’approprier une courte séquence musicale et en proposer leur interprétation (au chant, à la trompette, à la flûte à bec, peu importe). Après sélection, quelques-uns de ces passants deviendront musiciens d’un soir. C’est ainsi que quelques-uns s’installent à l’arrière de l’Orchestre Lamoureux pour la création d’Anatoll, en prélude au concert du 9 mai. C’est la troisième étape : la musique prend presque par surprise, malgré les quelques mots de présentation du chef Adrien Perruchon, les auditeurs qui entrent peu à peu dans la salle. Composée en cinquante-quatre cellules – dont quatre dédiées aux participants recrutés via les affiches de l’espace public –, Anatoll fait circuler de groupe en groupe des motifs identifiables. Une façon très efficace d’initier le public, l’air de rien, à une écriture musicale non nécessairement linéaire, d’approcher une certaine complexité de la musique sans être perdu dans ses développements. Le chef obtient de l’Orchestre Lamoureux une mise en place très claire de cette déclinaison de l’œuvre pour orchestre, qui aurait matière à dépasser ses sept minutes de durée.
 

© Jean Fleuriot
 
En se consacrant à cette création originale, l’Orchestre Lamoureux perpétue une tradition d’ouverture qui a toujours été la sienne. Avec Adrien Perruchon à sa tête, il a entrepris de revisiter ce très riche répertoire. L’histoire a bien sûr retenu que c’est l’orchestre, alors dirigé par Camille Chevillard, qui créa les Nocturnes puis La Mer de Debussy ; il sera aussi le premier à donner le Boléro de Ravel en concert en France. Mais il y a bien plus à découvrir. C’est ainsi que l’Orchestre Lamoureux ouvre le dernier concert de sa saison parisienne avec deux mélodies de Nadia Boulanger qui n’avaient plus été jouées dans leur version avec orchestre depuis leur création, en 1911 à la Salle Gaveau. Adrien Perruchon dirige ce diptyque avec un grand souci d’équilibre, laissant s’épanouir les belles harmonies de Nadia Boulanger. Ne serait-ce que pour le balancement qui introduit Soleils couchants – où l’on n’est pas loin du bercement initial d’Une barque sur l’océan de Ravel – ces mélodies mériteraient de revenir définitivement au répertoire. Elles ont en tout cas trouvé en Chloé Briot (photo) une excellente interprète, timbre clair et voix parfaitement articulée.

Après les beaux déploiements sonores du poème symphonique Aux étoiles d’Édouard Lalo, parfaitement dans le ton du concert, le festival de mélodie française se poursuivait avec une autre rareté, un Chant breton d’Édouard Lalo dont la partition d’orchestre a été récemment retrouvée dans les archives de l’orchestre. Cette brève et sobre lamentation, soutenue par le chant du hautbois et un orchestre tout en retenue, met à nu la voix là encore idéale de Chloé Briot. Les Nuits d’été de Berlioz sont interprétées dans le même esprit, avec toujours la volonté de ne pas forcer le trait. L’orchestre tantôt porte la voix, tantôt l’accompagne. C’est une lecture qui jour plus sur l’impression que sur le drame ou le pathos.
Passant de la musique française à Beethoven, Adrien Perruchon ne change rien à sa direction alerte, sans aucune pesanteur. Sa Septième Symphonie toute en énergie, en rythme, en vivacité (il peut s’appuyer sur le jeu très engagé du timbalier Camille Baslé) est tout autant jubilatoire que maîtrisée.
 
Jean-Guillaume Lebrun

 

 
Paris, Salle Gaveau, 9 mai 2023.
 
Anatoll de Marc Kowalczyk sera repris le 2 juin à 20h à la Basilique Saint-Denis par l’orchestre Petites Mains Symphoniques et le 15 juin à 20h30 au Théâtre du Ranelagh par l’ensemble vocal féminin Les Essenti’elles.
Site du compositeur : marckowalczyk.com

Photo © Jean Fleuriot
 
 
 
Photo ©    

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