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Coup de cœur Carrefour de Lodéon & Concertclassic - David Kadouch, pianiste - La valeur n’attend pas


Ravel toujours mais changement de programme : on attendait la soprano Karen Vourc’h dans Shéhérazade, c’est finalement le pianiste David Kadouch que l’on retrouve à Pleyel le 27 mars, au côté de l’Orchestre Colonne et de Laurent Petitgirard, dans le Concerto en sol de Ravel. Le jeune virtuose est d’ailleurs très présent à Paris en ce début de printemps puisque, le 16 avril au Théâtre de l’Athénée, il est l’invité du prestigieux Festival Piano aux Jacobins de Toulouse (1) pour un récital Moussorgski, Debussy, Taneïev et Medtner.

La valeur n’attend pas… A vingt-six ans seulement, David Kadouch est déjà connu des mélomanes grâce aux trois beaux CD (2) que compte sa discographie et à de nombreuses apparitions dans des salles et festivals réputés en France comme à l’étranger, sans parler du fait qu’il aussi Lauréat ADAMI et Fondation Natexis, Révélation des Victoires de la Musique 2010 et Révélation du Syndicat de la Critique 2011. Il est vrai que l’ancien élève d’Odile Poisson au Conservatoire de Nice n’a pas perdu de temps. Avant même d’entrer au Conservatoire de Paris, l’artiste avait déjà joué au Carnegie Hall avec Itzhak Perlman…

La chance sourit aux audacieux : à 12 ans, David Kadouch entend parler du programme pour jeunes musiciens que le violoniste organise près de New York. « J’ai posté une vidéo de moi en train de jouer un impromptu de Schubert, peu après j’ai reçu une lettre me disant « viens ». C’était presque magique, à 12 ans je partais aux Etats-Unis pour rencontrer Perlman ! »

Le contact avec l’illustre violoniste ? « C’est quelqu’un qui parle énormément de baseball, quelqu’un de très accessible, très humain et surtout un musicien incroyable. J’ai eu des masterclasses avec lui : nous avions un rapport de musicien à musicien, nous ne parlions pratiquement pas de technique mais d’oeuvre, de discours musical. A 12 ans j’entrevoyais qu’il n’y a pas de barrière entre les instruments. Par la suite j’ai revu Perlman et il m’a invité à jouer avec lui au Carnegie Hall ou au Met. Cette rencontre avec le violoniste a énormément contribué au démarrage de ma carrière et je lui en suis très reconnaissant. »

A 14 ans David Kadouch entre au Conservatoire de Paris. Période chargée, éprouvante : études générales par correspondance – le pianiste se félicite aujourd’hui de n’avoir rien délaissé de ce côté – et musique dans la classe de Jacques Rouvier entre autres. Trois années formatrices auprès d’un pédagogue que David Kadouch décrit comme « très posé, très calme. Son enseignement est très français dans le bon sens du terme. Il me poussait vers une analyse plus en profondeur de la partition à un âge où je pouvais être tenté de m’attarder sur des choses plus superficielles. »

17 ans, sortie du Conservatoire – et peut-être aussi lassitude de la météo parisienne … -, le Niçois part étudier avec Dimitri Bashkirov à Madrid. « Depuis mes 9 ans je voulais à un moment ou à un autre travailler avec lui, confie David Kadouch ; à 14 ans j’avais suivi ses master classes. Peu avant mon Prix au Conservatoire, lors d’une rencontre à Salzbourg, je lui avais dit : Maestro, mon rêve est de venir étudier avec vous à Madrid. Sa réponse positive demeure l’un des plus beaux souvenirs de ma vie. »

David Kadouch n’a pas choisi la facilité et affronte l’enseignement parfois très déstabilisant d’un pédagogue russe au plein sens de la formule. « Pendant la première année je pleurais après chaque cours, tout ce que j’avais appris avant était mauvais. Avec certains ça casse ; ça a marché avec moi et sa sévérité m’a au bout du compte amené à me sentir très libre. Dans sa pédagogie, Bashkirov veut que tout parte du corps entier pour produire le son. Il est d’une attention extrême à la partition aussi et apprend à l’élève à se poser les bonnes questions face au texte musical. »


Le début des études à Madrid correspond à une autre rencontre importante. Daniel Barenboim est à l’époque à la recherche de jeunes pianistes pour des master classes filmées sur les sonates de Beethoven. David Kadouch se rend à Genève pour une audition avec le pianiste et chef.  Quelques minutes au clavier suffisent à l’adolescent pour le convaincre. Outre la participation au DVD des masterclasses réalisé à Chicago (EMI), le pianiste étudiera de temps en temps à Séville avec Barenboim et aura l’occasion de jouer à son invitation en Israël aussi bien qu’à Ramallah.

Nourri de toutes ces rencontres, de tous ces précieux conseils et ces expériences humaines marquantes, David Kadouch vole désormais de ses propres ailes et vit la musique avec bonheur et curiosité. Un très beau CD Moussorgski (Tableaux d’une exposition), Medtner (Sonata reminiscenza) et Taneïev (Prélude et fugue op 29) a donné il y peu la mesure d’un jeu dont la qualité de son, le sens narratif, la tonicité et le naturel emportent l’adhésion.

Mais le pianiste ne vit pas dans une tour d’ivoire et n’aime rien tant que pratiquer la musique de chambre, avec Renaud et Gautier Capuçon entre autres. « La musique de chambre est l’une des plus belles écoles, on y apprend beaucoup car l’on est confronté aux autres. La communion entre des musiciens sur une scène est une chose irremplaçable », confie-t-il. Rien d’étonnant à ce que, depuis plusieurs années déjà, David Kadouch fasse partie des fidèles du Festival de Pâques de Deauville. Une pépinière de jeunes talents où on le retrouvera les 26 et 27 avril prochains avec Renaud Capuçon et l’un des plus brillants jeunes quatuors français d’aujourd’hui : le Quatuor Zaïde.

Alain Cochard

(1) Le 33ème Festival Piano aux Jacobins de Toulouse se tiendra du 4 au 28 septembre 2012 et s’ouvrira, au cloître des Jacobins, par un récital d’Henri Barda

(2)

-Chostakovitch : Préludes op 34 + Quintette (avec le Quatuor Ardeo) (TRANSART LIVE) - Schumann : Sonate n°3 « Concert sans orchestre »/ Quintette (avec le Quatuor Ardeo) (DECCA)

-Récital Moussorgki, Medtner, Taneïev (MIRARE)

Concerts de David Kadouch

Ravel : Concerto en sol

Avec l’Orchestre Colonne, dir. Laurent Petitgirard

27 mars – 20 h

Salle Pleyel

Récital «Piano aux Jacobins à l’Athénée »

Œuvres de Moussorgski, Debussy, Taneïev, Medtner

16 avril – 20 h

www.athenee-theatre.com/saison/concerts.cfm

www.pianojacobins.com

Festival de Pâques de Deauville ( du 14 au 29 avril 2012)

Les 26 et 27 avril 2012

Avec Renaud Capuçon et le Quatuor Zaïde

www.musiqueadeauville

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Photo : DR

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