Arnaud Marzorati a-t-il récemment (re)lu Les Misérables ? Au chapitre 8 du tome IV du chef-d’œuvre de Victor Hugo, on lit notamment ceci : « La voiturée qui ouvrait le cortège avait entonné et psalmodiait à tue-tête avec une jovialité hagarde un pot-pourri de Désaugiers, alors fameux, la Vestale, les arbres frémissaient lugubrement ; dans les contre-allées, des faces de bourgeois écoutaient avec une béatitude idiote ces gaudrioles chantées par des spectres. » Le chef des Lunaisiens aurait-il trouvé là l’inspiration de son nouveau programme ? Il faut reconnaître par ailleurs que La Vestale de Spontini a connu ces derniers temps une solide actualité : brillante exécution de concert avec Marina Rebeka par les Talens Lyriques sous la baguette de Christophe Rousset en juin 2022 (1), parution de l’enregistrement sous les auspices du Palazzetto Bru Zane en mai 2023, et reprise de l’œuvre à l’Opéra de Paris en juin 2024. Sur cette lancée, il fallait logiquement un nouvel événement en mai-juin 2025, et c’est le Festival de Pentecôte du château de la Malmaison qui nous l’offre.

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Dans la tradition des parodies bouffonnes 
 
Dans le cadre intime de l’orangerie du château de Bois-Préau, « annexe » de la Malmaison, en collaboration avec La Nouvelle Athènes, association fondée pour défendre la musique romantique, c’est cette fois une parodie de La Vestale qui était offerte au public. On sait depuis un certain temps que, sous l’Ancien Régime, les tragédies lyriques de Lully et de ses successeurs faisaient l’objet de parodies bouffonnes : le CMBV a parrainé la résurrection de certaines d’entre elles. Cette pratique ne disparut pas après la Révolution, et les plus grands succès musicaux créés sous l’Empire furent eux aussi tournés en dérision. Alors que l’action des Misérables se situe peu avant les émeutes de 1832, Hugo affirme qu’était encore fameuse l’œuvre du chansonnier Marc-Antoine Désaugiers (1772-1827), protecteur de Béranger à ses débuts et compositeur de « Bon voyage, monsieur Dumollet ». Sa Vestale, intitulée « pot-pourri », est une suite de textes sur des airs alors populaires mais dont on ne connaît plus guère qu’Au clair de la lune. Selon un principe connu, un sujet noble est traité en langage bas (le texte inclut notamment une des premières occurrences de « Ni vu, ni connu, je t’embrouille »).

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Avec de vrais morceaux !

Peut-être faute d’avoir pu retrouver tous les « timbres », cette parodie est ici en partie déclamée, en partie chantée, et Arnaud Marzorati a eu l’excellente idée d’y insérer quelques vrais morceaux de La Vestale de 1807, le tout étant précédé d’une sorte de prologues réunissant quelques airs comiques et romances de salon de la première moitié du XIXe siècle. Pour refléter le côté populaire du procédé, les trois chanteurs réunis sont accompagnés avec brio par l’accordéoniste Anthony Millet, qui se substitue à l’orchestre de Spontini.
 
 

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Lucile se déchaîne

Arnaud Marzorati présente avec faconde en tant que narrateur, il chante le tout premier air du concert, mais se contente par la suite d’interpréter la voix grave des ensembles, laissant le devant de la scène à ses camarades. On se souvenait d’avoir vu David Ghilardi (photo) dans Le Docteur Miracle de Lecocq, en 2019 : le ténor revient ici en Licinius benêt à souhait, auquel il prête une voix souple et expressive. Et bien sûr, une grande partie du spectacle repose sur les épaules de Lucile Richardot (photo), qui aurait la voix de la Grande Vestale mais qui chante ici fort bien quelques bribes des airs les plus connus de Julia, et qui se déchaîne comme prévu dans tous les moments parodiques. Les éclats de rire du public confirment le bien-fondé de l’opération, ce concert concluant avec humour un festival dont on attend maintenant l’édition 2026.

Laurent Bury
 

(1) www.concertclassic.com/article/la-vestale-en-concert-au-theatre-des-champs-elysees-allumer-le-feu-compte-rendu

Orangerie du château de Bois-Préau, 9 juin 2025