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Compte-rendu : Vigueur et sensibilité - Jun Märkl dirige Genoveva

Œuvre hybride, chaînon entre Le Freischütz et Lohengrin, Genoveva de Schumann, par son livret « bric-à-brac » (Jean Gallois) situé dans un Moyen-âge au romantisme très connoté, ne se prête guère à la représentation scénique. L’échec rencontré lors de la création à Leipzig en 1850 semble s’acharner sur une partition qui recèle, malgré la complexité de son écriture, des moments de grande beauté tant sur le plan orchestral et vocal que dans les parties chorales.

La version de concert proposée par l’Orchestre National de Lyon sous la direction de son directeur musical Jun Märkl est, à cet égard, digne de tous les éloges et fait même oublier la narration de cette histoire à dormir debout où l’amour fantasmé de Geneviève pour le pur Siegfried en partance pour la croisade est contrarié par les agissements du traître Golo.

Sous la baguette énergique et ductile d’un chef d’orchestre qui connaît l’esthétique de Schumann comme personne, l’absence de tension de cette partition décousue et non aboutie s’en trouve comme unifiée et d’un intérêt sans faiblesse. Alliant la vigueur à la sensibilité, Jun Märkl insuffle aux musiciens lyonnais énergie et élan. Ils se transmettent à un plateau vocal très homogène qui n’hésite pas, le cas échéant, à joindre le geste à la parole.

La soprano allemande Anne Schwanewilms incarne une Genoveva auréolée de mystère dont la subtilité et la pureté de la voix procurent une sensation d’envoûtement sonore. En Siegfried, Matthias Goerne possède toute l’ardeur, voire la violence déchirante entourant le personnage avec un engagement saisissant et une souplesse qui font oublier le caractère un peu charbonneux du timbre. Matthias Klink donne au félon Golo tout le poids maléfique qui convient et l’on éprouve la même satisfaction à l’écoute de la mezzo Birgit Remmert en Margaretha (la nourrice chassée du château qui pratique la magie noire), d’une stature digne de l’Erda de la Tétralogie. Les rôles secondaires de Balthasar et Caspar sont tenus avec beaucoup de prestance et de dignité par les Coréens Jae-Hyong Kim et Gun-Wok Lee.

Préparés par Didier Bouture et Geoffroy Jourdain, les choeurs ajoutent à l’enthousiasme ressenti tout au long d’une représentation qui rend justice à ce drame lyrique si mal aimé - et tellement bien défendu ici par de tels interprètes !

Michel Le Naour

Schumann : Genoveva (version de concert) - Paris, Salle Pleyel, 7 juin 2010

Verdi : Otello – Nancy, Opéra National de Lorraine, le 13 juin, puis les 16, 18, 20 et 22 juin 2010

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Photo : DR
 

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