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Compte-rendu - Semelle de vent ou semelle de plomb ? Le 3ème Symphonie de Mahler par Christoph Eschenbach

Hymne à la Création, la 3ème Symphonie de Mahler exige du chef d’orchestre un sens de la construction qui lui permette de dénouer les fils complexes d’une œuvre au long cours. Achevant cette saison son cycle mahlérien à la tête de l’Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach fait souffler, comme à l’accoutumée, le chaud et le froid par son attention portée aux détails, à la polyphonie plus qu’au rythme, à la morbidité plus qu’à l’optimisme. Sa conception projette la partition du côté de l’expressionnisme et non de cette grâce et de ce réconfort dont parlait Bruno Walter, orfèvre en la matière. Soucieux de porter un sort à l’écheveau parfois chaotique de l’oeuvre, le chef hésite entre le souci mélodique et l’affirmation d’une puissance qui n’est pas sans débordement sonore.

Le mouvement initial (Puissant et décidé) peine à trouver ses marques dans la succession des marches militaires qui, mises bout à bout, pourraient constituer une symphonie en soi. Les mouvements suivants, d’une tendresse agreste où la nature tout entière se fait musique, semblent échapper à une interprétation qui fait perdre du vue l’agencement des différents éléments du tableau. Les contre-chants schubertiens qui apparaissent ici ou là ne réussissent pas à donner une légèreté et une souplesse à cette exécution plus germanique que viennoise.

Dans le lied nietzschéen « Sehr langsam. Misterioso », la voix de la mezzo-soprano japonaise Mihoko Fujimura paraît bien terne et manque de souffle, sans doute handicapée par la lenteur d’une direction qui ne parvient pas à donner non plus son exaltation volubile au « Lustig. Im Tempo und keck im Ausdruck », chanté avec enthousiasme par les chœurs d’enfants et de femmes. Le grandiose et mystérieux final, tenu à bout de bras par les cordes de l’Orchestre de Paris, renoue avec ce geste large mais parfois statique qui se fond dans une vision moins profonde que décorative, plus massive que bouillonnante. Eschenbach s’écarter ainsi de cette authenticité et de ce naturel sans sophistication que l’on trouve aujourd’hui chez Abbado, Haitink ou Zinman.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 16 septembre 2009

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Photo : DR
 

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