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Compte-rendu : Retour semé d’embûches - Annick Massis en récital

Pour son retour à Paris après ses triomphales Juive en 2007 (Bastille) et sa splendide Semele en 2004 (aux Champs-Elysées), Annick Massis n’a pas eu de chance. Handicapée par un refroidissement, ses retrouvailles avec le public parisien se sont transformées en une véritable lutte contre une voix rebelle. Il n’a en effet pas été long pour comprendre ce qui allait se produire : à peine avait-elle ouvert la bouche sur le premier « Allons ! » de Manon que celui-ci est sorti de travers. Surprise par se dérapage, la cantatrice s’est donc montrée prudente, donnant le sentiment de se réserver.

La « Petite table » passée, sans grand frémissement, mais avec musicalité, Annick Massis s’est emparée adroitement de l’air de Leila des Pêcheurs de perles, « Comme autrefois », chanté dans un français très pur et soutenu par un subtil legato. Après une exécution des « Scènes bohémiennes » du même Bizet, la soprano a rassemblé tout son courage pour affronter l’air du poison de Juliette, « Amour ranime mon courage », sans dommages apparents et avec une volonté de bien faire tout à son honneur : écarts bien contrôlés, medium charnu, conduite du souffle et aigus longuement tenus ont presque dissipé le malaise ambiant. Cependant l’entracte terminé, Annick Massis revenue pour une partie italienne, les choses n’ont fait qu’empirer.

Dès le « Ah » du « Ah non credea mirarti », de la diaphane et somnambulique Amina, la voix s’est à nouveau dérobée, laissant un malencontreux vide qui bien évidemment a déstabilisé la chanteuse. Impossible après cet accident de recréer l’atmosphère éthérée et d’interpréter avec l’émotion et la délicatesse attendues ce sommet de la cantilène bellinienne, suivi par une assez plate cabalette (« Ah non giunge »).

Le public jamais hostile, a alors commencé à souffrir avec elle, craignant à tout moment que son fragile instrument ne se rompe. Le périlleux « Bel raggio » conclusif (Semiramide), a contraint la cantatrice, fatiguée, à livrer une bataille échevelée ; musicienne et technicienne accomplie, celle-ci n’a pourtant pas rendu les armes avant d’avoir vocalisé comme elle l’entendait, avec force variations (pas toujours très rossiniennes lors de la reprise du « Dolce pensiero », mais après tout June Anderson et ses piqués extravagants ne l’étaient pas on plus !) et quelques extrapolations bienvenues dans le suraigu.

Chaleureusement applaudie par un public compréhensif, sensible au capital sympathie dégagé par Annick Massis, celle-ci a tenu a offrir un unique bis, mais qui a scotché l’assistance : le « Spargi d’amaro pianto » de la scène de folie de Lucia di Lammermoor de Donizetti, autre Himalaya du bel canto. Ayant réuni toutes ses forces, la soprano est venue à bout de cette page hérissée de vocalises, couronnée, malgré les risques et une visible appréhension, par un magnifique contre-mi bémol.

Emue, forcément déçue de n’avoir pu donner le meilleur, Annick Massis a reçu une ovation du public, mais également des instrumentistes de l’Ensemble orchestral de Paris et du chef Ottavio Marino, dont chaque intervention (les ouvertures du Barbier, de Norma et de Semiramide notamment) était jouée avec une communicative ardeur et une attention particulière.

François Lesueur

Paris, Théâtre des Champs Elysées, le 4 décembre 2009

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Photo : DR
 

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