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Compte-rendu : Queen Patrizia - « Reines du bel canto » au Festival de Saint-Denis

Patricia Ciofi

Avec un programme consacré aux « Reines du bel canto », le Festival de Saint-Denis n'a eu aucun mal à faire Basilique comble, la présence de Patrizia Ciofi n'étant pas étrangère à ce fervent rassemblement de mélomanes. Trois reines, trois destins, trois moments historiques dépeints par deux des plus importantes figures musicales du 19ème siècle, Rossini et Donizetti, en constituaient le socle. Ce concert à deux voix s'ouvrait sur la rare Elisabetta Regina d'Inghilterra, oeuvre de jeunesse où l'art du maestro pésarais est contenu en germe. L'air d'entrée de l'héroïne « Quant'è grato all'alma mia », qui préfigure Le Barbier de Séville (thème de la cavatine de Rosina « Ma se mi toccano »), dépasse très certainement les moyens étroits de la mezzo Laura Polverelli dont le chant prudent et économe ne transporte à aucun moment l'auditoire.

Animée par un feu intérieur, une imagination sans cesse en éveil et une connaissance profonde de ce répertoire, Patrizia Ciofi, malgré la difficulté de l'air de Mathilde « Sento un'intera voce », a su en un instant se plier au style rossinien et donner vie à son personnage habité avec une ardeur rare, impression confirmée pendant le duo « T’inoltra… » parsemé de vocalises acérées. Fasciné par le triste sort réservé aux Tudor, Donizetti, autre apôtre du bel canto, a laissé avec sa fameuse trilogie Roberto Devereux - Maria Stuarda - Anna Bolena quelques unes des pages les plus éblouissantes de cette école. Laura Polverelli, sans démériter totalement, mais sans se départir d'une technique scolaire et d'un tempérament sans flamme, a tout d'abord interprété Maria Stuarda (air d'Elisabetta), puis Anna Bolena (scène de Giovanna Seymour « Per questa fiamma indomita ») d'une voix uniforme, à l'aigu contraint, là où le public attendait une démonstration vocale libre et opulente. Que sont les Marilyn Horne devenues ?...

Fort heureusement Patrizia Ciofi revenait avec le premier air enchanteur de Maria Stuarda « Oh nube che lieve », touché par la grâce, immédiatement suivi par la cabalette « Nella pace del mesto riposo », plus éclatante encore qu'à Liège en 2008. Spécialement abordée pour ce concert, la scène de folie de Bolena a permis à la cantatrice d'atteindre un sommet. Sa manière d'investir le texte, de modeler chaque inflexion de la cantilène « Al dolce guidami » et de maîtriser l'émotion grâce à son chant éthéré où les souvenirs heureux affleurent, ont saisi l'assistance, surprise par un tel degré d'exigence et de pénétration musicales.

Après ce moment de pure lévitation, les deux compatriotes se retrouvaient pour le grand duo des rivales (à l'acte 2), dans lequel la soprano malgré quelques aménagements destinés à lui éviter de poitriner les passages les plus exposés, a imposé son sens dramatique et sa pureté de ligne au moment du pardon « Va infelice », étiré à l'extrême par Paolo Carignani à la tête de l'Orchestre National d'Ile-de-France, dont la direction rigoureuse s'est avérée précieuse pour les solistes et respectueuse envers les compositeurs (belles ouvertures données en complément).

François Lesueur

Festival de Saint-Denis, Basilique, 22 juin 2010

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Photo : DR
 

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