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Compte-rendu : Porgy parfait - Gershwin à l’Opéra de Lyon

On ne se lasse pas de cette production. Dominique Hervieu et José Montalvo ont saisi à la lettre l’esprit de Porgy and Bess, immergeant leur compagnie de danse dans un spectacle suractif que vient innerver leur péché mignon, un art du commentaire vidéographique passant incontinent de la folie douce (leurs habituels délires animaliers), au réalisme le plus cru qui montre en gros plan l’inmontrable : l’assassinat de Robbins par exemple.

Sur fond de grande dépression et dans un Catfish Row plus marin qu’en aucune autre production, la misère le dispute à une formidable vitalité, transcendant la musique de Gershwin. Si le geste est brillant, il n’oublie jamais la trame dramatique de l’ouvrage, et répond sans ambiguïté à la double nature de ce chef-d’œuvre : on n’est pas à Broadway mais vraiment devant un grand opéra, et tout simplement confronté à une des plus forte partition des années trente, dont la dramaturgie serrée et les arrières plans raciaux et sociaux n’ont rien perdu de leur actualité.

Troupe formidable comme lors de la création du spectacle en 2008, chaque rôle est incarné avec un réalisme qui le dispute à la finesse psychologique. Le Sporting Life obèse est vipérin de Ronald Samm revisite considérablement le personnage et sa confrontation avec une Maria formidablement campée par LaVerne Williams fait un grand moment de théâtre. Un Crown dangereux et très sexuel (Gregg Baker), une Bess fragile, brisée, mais en voix somptueuse (Janice Chandler-Eteme), un Porgy infirme, au baryton sombre et rocailleux, bouleversant d’humanité (Derrick Lawrence - photo), une pléthore de seconds rôles qui font mieux qu’une troupe, une vraie communauté, où irradie la Clara de Magali Léger, dans la fosse des Lyonnais déchaînés par la baguette alerte et plein de caractère de William Eddins, transportés par une section de percussion époustouflante (quel tableau sur l’île de Kittiwah ; l’ombre du vaudou y passe !), voilà un spectacle qui va voyager cet été en Allemagne, avant de revenir à Lyon pour deux représentations les 9 et 10 septembre. Si seulement Paris pouvait l’accueillir !

Jean-Charles Hoffelé

Gershwin : Porgy and Bess, Opéra de Lyon, le 17 juillet 2010

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Photo : DR
 

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