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Compte-rendu - Pollini Perspectives/Chopin-Nono - Morne soirée

Maurizio Pollini

Prélude op 45 : l’un des morceaux les plus extraordinaires de Chopin et un excellent début de concert… à condition que l’on donne à cette pièce prophétique l’expansion et les couleurs que son harmonie appelle. Jeu serré, pressé, sans air, gris ; avouons que l’affaire semble mal engagée lorsque Maurizio Pollini attaque la première partie d’une soirée Chopin/Nono inscrite dans la série « Pollini Perspectives » de Pleyel. Une soirée « sans »… L’interprète semble mêler tension et lassitude ; la Ballade n°2, le Scherzo n°1, la Sonate « Funèbre » ne séduisent pas plus. Pollini a placé la barre si haut, jadis, dans ce répertoire que ce jeu sans urgence, ces fins de traits souvent tendues, ces quelques accrocs – négligeables certes en eux-mêmes, mais qui suffisent ici à déstabiliser l’assise rythmique du propos – et, surtout une sonorité très monochrome et une pédale trop généreuse nous laissent sur notre faim.

En début de seconde partie …sofferte onde serene… de Luigi Nono (1976), invite Pollini à des retrouvailles avec lui-même à plus de trois décennies de distance. C’est en effet le pianiste italien qui participa à l’élaboration de la bande magnétique que tous les interprètes utilisent désormais. Moment d’émotion avec ce qui constitue à n’en pas douter l’un des chefs d’œuvre de Nono, nourri de l’expérience de différents deuils, et dont Pollini restitue toujours aussi bien les climats étranges et envoûtants.

Suite logique dans cette optique douloureuse, la lamentation pour voix de femme solo Djamila Boupacha (1962), en hommage à une Algérienne torturée, atteint à l’universel par la pureté de son lyrisme, surtout quand une interprète aussi investie que la soprano Barbara Hannigan la défend.

Quel dommage qu’après un tel moment d’émotion A floresta é jovem e cheja de vida (1966) soit venu plomber la fin de soirée. Trois récitants, un soprano, une clarinette, plaques de cuivre et bande magnétique – et des citations de Fidel Castro, Frantz Fanon, etc. - forment les ingrédients ce colossal monument d’ennui où, après le bouleversant lyrisme de ce qui a précédé, Nono tombe dans les pires tics et poncifs de son temps, le soin extrême apporté par des interprètes conduits par Marino Formenti ne pouvant strictement rien contre le caractère foncièrement interminable des quarante minutes que dure l’ouvrage. On s’est pris à rêver de la Lugubre Gondole, R.W- Venezia et la Mort d’Isolde de Liszt faisant suite à … sofferte onde serene… Las !

Alain Cochard

Paris, salle Pleyel, mardi 13 octobre 2009

Programme détaillé de la Salle Pleyel

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Photo : Mathias Bothor
 

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