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Compte-rendu : Pas si hardi(ng) que ça - Daniel Harding dirige l’Acte II de Tristan et Isolde

Après Ferrare, Dortmund et Francfort, Paris était la quatrième étape de cette mini-tournée du Mahler Chamber Orchestra avec un alléchant programme, puisqu'il s'agissait du second acte de Tristan und Isolde de Wagner. Au pupitre Daniel Harding (photo), jeune chef britannique adoubé voici dix ans par Claudio Abbado à Aix-en-Provence où il dirigea Don Giovanni, mais dont la carrière, annoncée comme fulgurante, n'a pas suivi la courbe ascendante que beaucoup prédisaient. Alors que ses Mozart fougueux, aux options parfois radicales avaient suscité la polémique, ses Britten (The Turn of the Screw à la scène comme au disque), ainsi que ses Berg (Wozzeck) anguleux et névralgiques, avaient réconcilié ses admirateurs et ses opposants. Qu'en serait-il de son Wagner?

Couleurs froides, tempo étiré à l'extrême, sécheresse des articulations, le climat instauré dès les premiers accords du prélude du premier acte s'annonce mal. On comprend assez vite que cette manière de poser les choses n'a rien de comparable avec la densité d'un Salonen, ou la sûreté d'un Barenboim, attentifs à l'exposition des thèmes et à la progression du flux orchestral, Harding n'étant préoccupé que par les contrastes dynamiques et les ruptures de tons, ce qui nous vaut de redoutables précipitations du tempo qui constituent au final un discours erratique, sans vision d'ensemble. Où sont le trouble, le tumulte, la volupté, l'embrasement des sens que charrie d'ordinaire cette musique puissante et captivante ? Certainement pas chez ce musicien à la sensibilité réduite et à la chaleur peu communicative, qui multiplie les prises de risques sans véritable justification.

Waltraud Meier, triomphatrice de la soirée avec Franz-Josef Selig, retrouvait une nouvelle fois cette Isolde qu'elle connaît aujourd'hui mieux que personne. Tout a été dit sur sa composition, sur la fusion unique du chant et du verbe, l'alchimie de la musique et du jeu, certes. Mais le passage au concert aurait pu s'avérer plus contraignant pour cette artiste que la scène transfigure, or il n'en a rien été. Elle fait tout simplement corps avec ce personnage transporté par la passion, dont elle habite fiévreusement chaque réplique, souligne chaque expression par un souple legato, de réelles nuances, un timbre aux couleurs fauves et des aigus toujours retentissants (les trois contre-ut étaient de retour, pour notre plus grand plaisir) : une légende vivante.

Malgré quelques efforts Michelle Breedt n'a pas l'étoffe de Brangaene dont elle maltraite la ligne de chant et oublie la noblesse en forçant le caractère, non sans une certaine outrance. Un malheur n'arrivant jamais seul, John Mac Master qui remplaçait Lance Ryan, n'a cessé de nous importuner avec un Tristan ingrat de timbre, avare de nuance et d'expressivité et à la technique rudimentaire. Comment l'imaginer dans l'intégralité du rôle, on le sait éprouvant, sans souffle, ni soutien, dépassé par la tessiture ? L'impeccable prestation de Franz-Josef Selig, König Marke aux sonorités sombres et à la déclamation de violoncelle, faisait heureusement voler en éclat notre déception, la célèbre basse donnant le meilleur d'elle-même dans un style et une langue parfaits.

François Lesueur

Wagner : Tristan et Isolde/Acte II (version de concert) – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 5 novembre 2009

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Programme du Théâtre des Champs-Elysées

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Photo : DR
 

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