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Compte-rendu : Parsifal à Barcelone -  Vent sacré sur le Liceu


Pour cette nouvelle production de Parsifal, Claus Guth n'a pas cherché le scandale. Sa relecture du dernier opus wagnérien, cohérente et réfléchie, s'appuie sur un imposant dispositif scénique rehaussé de quelques incrustations vidéo (des pieds, des pas, puis des archives de guerre) qui rythment les scènes et produisent des images d'une grande force. Peu intéressé par les questions rituelles et religieuses qui émaillent cette œuvre aux allures de requiem, Guth s'attache à dépeindre une Allemagne qui peine à se relever de la première guerre (Acte 1), puis se grise dans les années folles (Acte 2), avant d'accueillir celui qu'elle croit être son sauveur (Acte 3).

Montsalvat se situe ainsi dans une sorte d'asile psychiatrique délabré où cohabitent avec difficulté Gurnemanz, Titurel et Amfortas ; l'arrivée d'un chaste fol redonne l'espoir à cette communauté moribonde. Quelques années plus tard, Klingsor sort de sa réserve et exhorte Kundry, modeste infirmière, à séduire Parsifal, après l'avoir invité à une soirée fort arrosée. Malgré sa transformation en star de cinéma, elle ne parvient pas à détourner ce jeune et pur héros du droit chemin, bientôt désigné comme l’Elu tant attendu. De retour après un long voyage, Parsifal est accueilli par Gurnemanz, assiste à la mort de Titurel, sauve Amfortas et endosse l'uniforme nazi, alors que Kundry quitte les lieux, valise à la main.

Grâce à une tournette, les impressionnants décors de Christian Schmidt intelligemment éclairés par Jürgen Hoffmann, changent régulièrement et ponctuent le drame en créant de nombreux moments saisissants, dont l'intensité épouse la plupart des passages-clés. L’Acte 3 est de loin le plus réussi visuellement, Claus Guth réglant une mise en scène quasi chorégraphique, où chaque personnage évolue au milieu d'un véritable ballet d'hommes, de pièces, de portes et d'escaliers dont la réalisation est parfaite.

Klaus Florian Vogt (Parsifal) s'intègre avec aisance à cette proposition théâtrale, son personnage d’adolescent semblant évoluer sans qu'il n'en soit responsable ; le ténor chante avec facilité, sans forcer, privilégie l'aspect naïf, voir niais du héros, mais le timbre est banal et les nuances trop rares. Anja Kampe joue plutôt bien (il lui faudra cependant apprendre à mesurer ses rires), possède une voix large et charnue de soprano, mais l'interprète tarde trop à se déchaîner, à entrer en transe et l'on attend en vain que l'aigu s'embrase à la manière d'une Waltraud Meier, idéale et sans rivale dans ce rôle.

Si Alan Held ne sait pas traduire la douleur infligée à Amfortas au premier acte, il se rattrape au troisième en parvenant à faire passer son texte avec plus de conviction, alors que Hans-Peter König triomphe en Gurnemanz, de sa somptueuse voix de basse au calme legato, rompue aux longues déclamations wagnériennes. Ante Jerkunica est un passable Titurel, John Wegner un Klingsor quelconque, les filles fleurs sont détestables mais les chœurs magnifiques, la partition bénéficiant de la magnifique direction de Michael Boder dont la pensée et le geste puissants éclairent brillamment l’architecture complexe de ce pur chef-d’œuvre.

François Lesueur

Wagner : Parsifal – Barcelone, Liceu, 24 février, prochaines représentations les 2, 4, 8, 10 et 12 mars 2011. www.liceubarcelona.cat

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Photo : Vogt-König

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