Journal

Compte-rendu : Orlando de Haendel selon David McVicar - Primo il teatro


D’un mot : le spectacle de David McVicar est parfait. Le finesse du livet, trop souvent réduit à l’élément de folie, saisie peut-être comme jamais, portée par une élégance du geste dramatique ou lyrique, une direction d’acteur pleine de caractère. Travail admirable mais qui a son revers : on est plutôt au théâtre qu’a l’opéra, l’intellect domine les passions, rien ne se déboutonne jamais, sinon Dorinda, hors cadre par sa vitalité - Lucy Crowe brûle les planches, c’est elle la vedette de la soirée. Jusque dans sa folie Orlando semble plutôt s’observer que sombrer. Lumières magiques, décors mouvants et virtuoses qui font voir entre autre les deux faces d’un théâtre, costumes d’époque portent une lecture où tout fait sens, jusqu’à l’amour que le metteur en scène écossais a voulu vieilli, en habit de mage noir et aveugle, digne esclave de Zoroastro.

La salle n’est que sous le charme, oubliant pourtant qu’Orlando devrait l’entraîner dans des abîmes, la faire hurler de terreur, la chavirer d’émotion. Elle se laisse séduire par cet art admirable, avant tout un commentaire savant qui se loge dans le plus infime interstice : ainsi McVicar personnifie Isabella, la malheureuse énamourée d’Orlando,  en l’habillant comme une figure d’une peinture de Füssli, la plaçant par le costume dans un léger décalage de temps en regard des autres protagonistes. Et si au fond McVicar avait voulu signifier que l’ouvrage possédait un fond pré-romantique ? Hölderlin pointant le nez derrière l’Arioste ?
C’est l’une des innombrables pistes indiquées par le metteur en scène, il faudrait plus d’une soirée pour toutes les débusquer, mais on ne se plaindra pas que le spectacle soit si profus, puisqu’il conserve l’intrigue claire.

Moins de bonheurs musicaux hélas. Paradoxale Emmanuelle Haïm ! Elle accompagne avec tant d’art ses chanteurs mais abandonne sa fosse : son orchestre sans brillant et sans élan s’avère l’écueil de la production. Stephen Wallace est presque trop pusillanime de voix, même pour le pleutre Medoro, amant décidément amolli ; Nathan Berg, dans un mauvais soir, coasse son Zoroastro même si son chant se rétablit à mesure qu’avance le spectacle. Surprenante Sonia Prina : de timbre idéale, de projection un rien courte, aux vocalises dans la voix et donc parfois rythmiquement incertaines. Mais l’on préfère cette manière à celle répandue partout aujourd’hui des vocalises mitraillettes à couleur et vitesse unique (Génaux, Bartoli), d’autant que la profusion harmonique de son instrument dessine avec précision aussi bien la folie que la tendresse.

Dans cette troupe au style homogène sinon idéalement appariée, un diamant brille d’un éclat un peu trop singulier. En succédant dans la mémoire des Parisiens à l’Angelica d’Arleen Auger, Henriette Bonde-Hansen avait tout à perdre, mais elle a tout gagné : chant subtil, ouvertement schwarzkopfisé (sa silhouette très «Maréchale», surtout au III, confirme par l’œil ce que l’oreille entend), timbre tout en nostalgie, piani impalpables, elle introduit dans le chant baroque, que tout ses confrères, à commencer par la spectaculaire Dorinda de Lucy Crowe, arborent en bandoulière, une dose de culture mozartienne. Certains détestent, nous on adore.

Jean-Charles Hoffelé

G.F. Haendel : Orlando - Paris-Théâtre des Champs-Elysées, le 5 novembre, dernière représentation : le 9 novembre 2010

www.theatrechmapselysees.fr

> Extrait vidéo

> Programme détaillé et réservations pour le Théâtre des Champs Elysées

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Jean-Charles Hoffelé

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles