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Compte-rendu : Nelson Freire et la Philharmonie de Saint-Pétersbourg - Dialogue au sommet


On a rarement l’occasion d’assister lors de l’exécution d’un concerto à un véritable et amical dialogue entre musiciens : cela donne lieu le plus souvent à une foire d’empoigne où soliste et orchestre se livrent une guerre de décibels. Rien de tout cela dans les échanges lyriques, presque affectueux, qui ont marqué le Concerto en la mineur de Schumann dans la première soirée donnée au Théâtre des Champs-Elysées par la Philharmonie de Saint-Pétersbourg et Nelson Freire. Non que le pianiste brésilien ait perdu sa force de frappe, même s’il a finalement préféré Schumann au 1er Concerto de Brahms. Mais il sait d’instinct et de culture qu’il faut littéralement « chanter » la déclaration d’amour à Clara que constitue le chef-d’œuvre de Schumann.

Il fallait voir Youri Temirkanov, d’ordinaire moins chaleureux, couver des yeux le clavier du soliste pour mieux épouser sa respiration. Ce dernier sut en retour se mettre à l’écoute de la clarinette ou du violoncelle solo pour une vraie séance de musique de chambre. Certains aux oreilles déformées par les broyeurs d’ivoire et au regard égaré par les gestes exagérés des Lang Lang et consorts ont été désappointés : tant pis pour eux ! Pour retrouver une telle authenticité, une telle vérité musicale et psychologique, il faut se rappeler Clara Haskil ou Martha Argerich dans la même œuvre. La transparence et l’engagement de tout l’orchestre ne furent pas moins admirables.

Ce que ces musiciens firent entendre dans la 2ème Symphonie de Brahms confirma la place souveraine qu’ils occupent sur la scène internationale et qui rendait un certain Karajan si jaloux. De fait, il n’y a guère que la Philharmonie de Berlin pour témoigner d’un équilibre aussi parfait entre les pupitres, des cors aux premiers violons. Il y a tous les murmures de la forêt allemande dans ce qu’on entend si merveilleusement dosé par le sorcier Youri Temirkanov qui, penché sur son usine à sons, ne sacrifie à aucun geste inutile. Une soirée à marquer d’une pierre blanche.

Jacques Doucelin

Paris – Théâtre des Champs-Elysées, 14 janvier 2011

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Photo : DR

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