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Compte-rendu - Musique de chambre au Palais Garnier - L’Opéra version de chambre


En dépit du grand nombre de soirées lyriques et chorégraphiques qu’ils assurent tout au long de la saison dans leurs deux salles, les musiciens de l’Opéra de Paris qui sont plus de 160 répartis en deux orchestres, programment en contrepoint une série de concerts de musique de chambre, le dimanche soir au Palais Garnier, où ils affirment avec leur goût personnel une belle curiosité. Le dernier du règne de Gerard Mortier a ainsi eu lieu ce dimanche avec des Quintettes à cordes signés Brahms et von Zemlinsky (portrait) : du très connu et du pas connu du tout. L’originalité de ces soirées est d’offrir une heure et demie de musique sans entracte.

L’essentiel de cette confrontation Brahms-Zemlinsky, comme l’a indiqué la musicologue Hélène Pierrakos dans une introduction aussi serrée que pertinente, c’est la filiation qui s’y est affirmée entre le dernier des musiciens romantiques allemands et le premier des expressionnistes autrichiens. Car Zemlinsky (1871-1942) fut le professeur d’Arnold Schoenberg et d’Alma Schindler, la future Madame Gustav Mahler. Il refusa aussi de choisir entre Brahms et Wagner réunis en une même fascination : du premier, il retint la rigueur d’écriture, du second une opulence orchestrale et vocale qui transparaît dans sa Symphonie Lyrique comme dans ses opéras que la France commence tout juste à découvrir.

Les deux mouvements (Allegro, Prestissimo) sauvés d’un Quintette à cordes partiellement perdu témoignent de sa profonde admiration pour Brahms qui semble s’être pourtant montré assez sévère envers son cadet. Très judicieusement, les musiciens de l’Opéra ont eu l’excellente idée de compléter ces fragments par le lied La servante, accompagné par un sextuor à cordes (Agnès Crépel et Laurent Philipp, violons, François Bodin et Jonathan Nazet, altos, Jean-Marie Ferry et Aurélien Sabouret, violoncelles) d’après le poème de Richard Dehmel qui avait inspiré trois ans plus tôt à Schoenberg la fameuse Nuit transfigurée. Par les sortilèges de la poésie expressionniste la plus exacerbée et par la magie de la voix humaine, se révèle ici tout ce qui fait l’originalité de Zemlinsky.

Et ce, avec d’autant plus de force que la soprano bordelaise Marie-Adeline Henry, ancienne élève de l’Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris, possède toutes les qualités pour rendre pleinement justice à l’écriture de Zemlinsky : timbre riche, égalité de la ligne de chant et respect du style. Ce fut une double découverte (l’œuvre et la soliste) pour la plupart des auditeurs parmi lesquels nombre de touristes étrangers. Avec le Quintette n°1 en fa majeur de Brahms, on pourrait se croire en terre plus familière : ce qui n’est pas le cas, le public se révélant incapable de compter jusqu’à trois avant de lancer ses applaudissements ! Il n’en va pas de même heureusement pour les musiciens qui ne cachent pas leur joie à s’ébattre dans un répertoire où ils peuvent affiner leur écoute mutuelle.

Jacques Doucelin

Paris, Palais Garnier, 12 juillet 2009

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Photo : DR

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