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Compte-rendu - Maroc : Printemps Musical des Alizés d’Essaouira - Une agora rêvée


Ici, la musique claque comme les tapis de haute laine que le vent plaque sur les écailles blanchies des murs de la médina: forte, propre, libre, rouge. Un chapiteau posé dans l’enceinte, un public disparate, rieur ou attentif, bruyant ou soudain saisi, qui va et vient, et des artistes qui jouent le jeu, malgré ces conditions inhabituelles : tel est le cadre de ce Printemps Musical des Alizés, qui vient de s’achever sur une houle d’enthousiasme. On en doit la création il y neuf ans à André Azoulay, conseiller du roi du Maroc et vrai Homère de sa ville natale. Avec une idée maîtresse : la gratuité pour offrir le meilleur aux habitants et aux visiteurs en échange d’un rien d’attention. Et un rêve, celui de se saisir d’un terrain déjà propice à la fraternité des cultures du Livre pour l’ensemencer avec une musique jusqu’ici étrangère aux lieux.

Portés par cet esprit d’alliance, des musiciens de haute réputation s’y épanouissent: ainsi cette année Michel Piquemal, maître d’œuvre d’un rassemblement choral exceptionnel mêlant en une unique soirée des jeunes venus des trois confessions pour un Stabat mater de Rossini passionné. On y entend des virtuoses aussi fracassants qu’Emmanuel Rossfelder et sa guitare, Nicolas Dautricourt et son violon, enfin Vahan Mardirossian, revisitant le Carnaval des animaux avec la complicité de Smaïn, en un nouveau texte hilarant écrit par ce baladin sans frontières.

Toute la ville participe au succès, à commencer par l’hôtel Sofitel, à la douce et inventive hospitalité, qui complète ce festin musical d’un café littéraire, autour d’académiciens tels que Jean-Marie Rouart et Jean Tulard, toutes palmes et bicornes volant au souffle des alizés. Avant le déchaînement du festival Gnaoua du 25 au 28 juin, pour lequel la petite paisible cité ouvrira ses murs, fortifiés par un disciple de Vauban, à quelque 500.000 fans de ce nouveau Woodstock, Essaouira, lorsque se replie la tente du Printemps des Alizés, laisse sur de nostalgiques émotions. Le temps de quelques concerts ponctués par les appels des goëlands, la fraternité resserre chrétiens, juifs, musulmans, humains de bonne volonté : une agora rêvée.

Jacqueline Thuilleux

Printemps Musical des Alizés, Essaouira, du 16 au 19 avril 2009

Photo : DR

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