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Compte-rendu : Magnifique de Thierry Malandain/ Ballet de Biarritz - Retour sur l’enfance

Il était une fois…des contes qui nous charmèrent et nous firent peur, des ballets d’une perfection irréelle et une musique qui leur insufflait une double vie, il était une fois Tchaïkovski, ses drames et ses malices, il était une fois Petipa et ses tableaux scéniques qui ont franchi les siècles, il était une fois, enfin, Thierry Malandain, c'est-à-dire un créateur avec ses affres hors normes, mais aussi un humain trop humain, comme vous et moi, qui se retrempe dans tout cet amalgame d’émotions croisées. Il en sort un bien étrange ballet, l’un des plus personnels et les plus profonds de Malandain, même si tout à l’air de se passer dans une cour d’école, la joie des jeux d’enfants se cognant à des réminiscences sombres, que le chorégraphe a le bon goût de faire affleurer avec délicatesse et pudeur, par bouffées, comme à son ordinaire.

Pour Malandain, étiqueté néo-classique alors qu’il est tout simplement respectueux d’ une certaine esthétique de l’harmonie, tout en dirigeant les corps avec des pulsions qui ne sont guère académiques, ce Magifique, qui reprend un de ses mots d’enfant, regroupe les suites tirées des trois grands ballets de Tchaïkovski : il les déroule sur fond de barres et de miroirs, à la fois ceux de l’âme et ceux où se forge le travail du danseur, courant après lui – même devant ce double qui ne le flatte guère, On est donc d’emblée dans un univers fruité, lyrique, pétillant ou dramatique suivant les tonalités des ballets, sans véritable argument, et le chorégraphe y injecte une sorte de précipité de citations – l’esquisse de défilé du corps de ballet, à l’Opéra, ou le pas des Quatre petits cygnes, parodie cocasse et bon enfant de cette célèbre séquence à la fois touchante et un peu ridicule dans sa fragilité.

Tout se passe entre le conteur et lui-même, du danseur juvénile qui l’incarne dans ses pulsions les plus enfantines au danseur mature qui se cogne à ces souvenirs. Et, tout au long, s’égrènent, entre deux moment de pure joie, des séquences finement poétiques, ainsi celle ou évolue une silhouette féminine emmaillotée, dont seule l’âme peut danser. Certes, Malandain y a ainsi rendu hommage au drame familial vécu autour de sa sœur, paralysée dès l’enfance, mais on peut aussi y lire un parallèle avec la Belle au Bois dormant, prisonnière d’un maléfice.

Malandain avoue n’y avoir pas pensé, mais là est le secret des œuvres riches. Elles racontent plus de choses que leur créateur n’a voulu en mettre. Elles prennent leur vol. Et le Ballet de Biarritz y aide bien, avec ses nouvelles recrues, toutes de fraîcheur, et son solide contingent de fidèles, qui nagent avec bonheur dans le style ambivalent du chorégraphe et aident à l’éclaircir. On regrette simplement le départ précoce de Giuseppe Chiavaro, qui, à trente-huit ans, va guider la troupe comme maître de ballet alors qu’il en était encore le phare, ainsi que celui prochain, de la magnifique Magali Praud, qui a tant donné à cet art difficile. Tous ont brûlé les planches et les brûlent encore, en symbiose avec un public parisien qui leur a fait un triomphe.

Jacqueline Thuilleux

T.Malandin/ Ballet de Biarritz : Magifique – Paris, Théâtre National de Chaillot, le 9 février 2011. Tournée du ballet cette année en France

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Photo : Olivier Houeix
 

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