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Compte-rendu : L’Italienne à Alger à Lausanne - Bain de jouvence

Déjà metteur en scène du Barbier de Séville à Madrid avec Florez, Emilio Sagi a le sens du kitsch. Dans des décors qui frisent le mauvais goût sans jamais y tomber, il construit un Alger de pacotille où le faux règne en maître. Les hommes peuplent un harem improbable, les ballons bleus figurent la mer devant un bateau de bande dessinée et une assiette de pâtes sert de turban à un Mustafa glouton qui sera trahi par son appétit.

L’appétit, le jeune Rossini n’en manquait pas ! Ouverture endiablée, coloratures piquantes, papotages en trio et onomatopées à gogo, le rythme ici commande tout, jusqu’à la mélodie qui ne laisse guère de place à l’interprétation psychologique. Cette comédie délirante n’est qu’un prétexte au divertissement, un pur bain de jouvence belcantiste d’une insolente verve, jamais démentie par un Olivier Dantone précis et alerte au pupitre de l’Orchestre de chambre de Lausanne.

Au sein d’une distribution honnête et homogène, le Lindoro de Lawrence Brownlee offre projection et prestance, mais sa technique sied mal à l’écriture rossinienne. Les basses d’Alexandre Diakoff et Luciano Di Pasquale ne manquent ni de métier ni de gouaille, surtout dans le quatuor au finale du premier acte. En arroseur arrosé, le Taddeo de Riccardo Novaro est un rôle en appui de toute beauté, technique parfaite et morbidezza suave.

Mais la sensation de la soirée, c’est évidemment l’Isabella d’Anna Bonitatibus. Après avoir été un Sesto sublime dans la production de Giulio Cesare du couple Hermann, dirigée par Jacobs à Berlin puis Amsterdam, elle montre désormais qu’elle est une mezzo de tout premier ordre, dans la lignée d’une Joyce Di Donato. D’une technique souveraine et d’une musicalité à toute épreuve, jamais dans l’épate, toujours spirituelle, elle affiche des graves insolents, une virtuosité qui n’oublie jamais la respiration et la nuance. Et quel chien quand elle sort le « machine gun » pour tourner les hommes en bourrique ! Avec encore un peu plus d’assurance de comédienne, elle sera prête pour franchir le mur du son des grandes héroïnes rossiniennes.

Luc Hernandez

Rossini : L’Italienne à Alger – Lausanne, Opéra, 26 novembre 2010

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Photo : DR
 

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