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Compte-rendu : L’Intercontemporain et l’Ensemble Orchestral de Paris à la Cité de la Musique - C’est l’Amérique !


Dans le cycle « Le rêve américain » entamé à la mi-février, la Cité de la musique a confié deux beaux programmes aux deux orchestres de chambre de la capitale, l’Ensemble Intercontemporain et l’Ensemble Orchestral de Paris : un événement pour deux phalanges qui se regardaient plutôt en chiens de faïence, le premier en héraut de la modernité expérimentale, le second campant sur les terres les plus traditionalistes… Ces deux soirées ont eu la vertu de rebattre les cartes et de démontrer que le plus avant-gardiste des deux n’est peut-être pas celui qu’on croit ! Deux chefs remarquables entraînaient leurs troupes à la découverte du XXe siècle musical aux Etats-Unis : François-Xavier Roth l’Intercontemporain, Joseph Swensen l’EOP.

Les premiers ont d’abord parfaitement démonté les rouages de la Symphonie de chambre de John Adams, qui a brillé de tous ses feux néo-classiques, avant de donner la création française d’une pièce du jeune Américain Ben Hackbarth (né en 1982). Faisant appel à dix musiciens et à un dispositif électronique, Crumbling Walls and Wandering Rocks semble d’abord s’inscrire dans le sillage de Xenakis et de Stockhausen qui ont su annexer les bruits de la nature déchaînée à leur univers musical. Il revient vite aux tics les plus éculés de la modernité agressive et se perd dans les sables de l’ennui.

C’est la seule fausse note d’une soirée qui s’achève en beauté avec une pièce inspirée de Steve Reich, Tehillim dont les quatre psaumes nous ramènent quelques siècles en arrière révélant au passage l’art de quatre chanteuses du Synergy Vocals et la souplesse des musiciens chers à Boulez, que ne dépayse pas cette excursion dans le haut moyen âge musical. La litanie de la répétition produit d’abord un joli clapotis vocal de grenouilles amoureuses avant un vrai madrigal du surplace et une sorte de « conduit » digne de Pérotin. On surprend même dans ce tuilage de timbres les deux notes du coucou.

Dès le lendemain, Phil Glass fait écho à son ami Reich avec Echorus un brin soporifique en dépit des efforts des deux violons solos de l’EOP, Joseph Swensen et Deborah Nemtanu. Les vieilles mélodies américaines assemblées par Copland évoquent notre Canteloube, mais n’inspirent guère June Anderson et le Chœur Accentus. Il y a encore des relents de Far West dans la 3ème Symphonie de Charles Ives à laquelle l’EOP rend parfaitement justice. Les chefs-d’œuvre viendront après l’entracte avec l’Agnus Dei tiré du fameux Adagio de Barber bien servi par Accentus. On gravit encore un degré dans la perfection avec son Knoxville : Summer of 1915 où l’orchestre est somptueux et la ligne de chant idéalement servie par une June Anderson retrouvée. Le Dream with me de Bernstein conclut ce grand moment de poésie.

Jacques Doucelin

Paris, Cité de la musique, 25 et 26 février 2011

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Photo : Sheila Rock

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