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Compte-rendu : Les Eléments à Royaumont - Un programme spatial

« Polychoralités », proposait le dernier concert du Chœur de chambre Les Eléments à Royaumont : un projet parfaitement accordé au décor de l'Abbaye fameuse, à l'acoustique particulièrement propice aux voix.

C'est d'ailleurs dans les monastères que l'idée du double chœur est née au Moyen Age, avec quelques variantes exceptionnelles, dictées par le lieu, par l'histoire. Et ici l'on songe à la Basilique Saint-Marc à Venise, avec ses deux tribunes se faisant face, arène privilégiée pour les joutes du double chœur (et plus), car permettant de jouer sur le pouvoir dynamique et rhétorique de la musique par des effets d'imitation, de surenchère et de réponses dans le dialogue des voix.

En tout cas, l'ensemble dirigé par Joël Suhubiette impressionne, quitte à en prendre un peu trop à son aise avec les enjeux de la thématique annoncée (ainsi le rôle accordé à l'orgue solo dans des pages somme toute assez accessoires, tel le Klankstructuren sériel de Lucien Goethals et le Caprice de Charles Tournemire).

Autre petit problème : l'énergie fondatrice qui est en quelque sorte solidaire de ce répertoire, n'est pas toujours ici en phase avec les mots et les œuvres-symboles s'y font trop rares (entre autres, un Magnificat à 3 chœurs de Victoria, un Qui habitat à 6 chœurs de Josquin des Prés avec son carillon d'éternité et le motet Komm, Jesu, komm à 2 chœurs de Jean-Sébastien Bach, tous superbement revisités). Ce qui rend d'autant plus frustrante l'absence de Giovanni Gabrieli, emblème de la glorieuse « différence » vénitienne. Reste que le mal n'est pas irréparable. Il suffira que Suhubiette et ses fervents choristes s'en souviennent lorsqu'ils reprendront le présent programme.

Roger Tellart

Abbaye de Royaumont, le 3 octobre 2010

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