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Compte-rendu - L’enfant et les sortilèges par l’Atelier Lyrique - Il ne leur manque que la parole !


Le débat n'est décidément pas clôt entre musique et parole ! Et ça n'est pas L'Atelier Lyrique de l'Opéra National de Paris qui le tranchera. Après les répertoires allemand et italien, cet hiver, c'est le français qui est à l'honneur, cette fois, avec une nouvelle production de L'enfant et les sortilèges de Maurice Ravel à l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille. Si l'on a droit à une restitution satisfaisante de la musique et du chant, la poésie de Mme Colette est quelque peu malmenée par une prosodie hasardeuse de la part de la majorité des stagiaires.
A une exception près tout de même que nous avons d'autant plus de plaisir à saluer que le baryton Aimery Lefèvre – puisque c'est de lui qu'il s'agit - a la tâche délicate de compléter la soirée en interprétant en lever de rideau les Histoires naturelles de Francis Poulenc sur des poèmes de Jules Renard. Accompagné avec soin par le pianiste Arnaud Arbet, il sait faire un sort à chaque mot. Plus, il sait s'appuyer et rebondir sur les syllabes pour construire son chant. On reconnaît là le travail effectué sur la langue par ce jeune artiste auprès des meilleurs chefs baroques et du Centre de Musique Baroque de Versailles comme de son grand aîné François Le Roux, maître incontesté de la mélodie française.

La plupart de ses camarades, qu'ils soient français, canadien, luxembourgeois, argentin ou ukrainien, n'ont visiblement pas appris à se servir des mots et encore moins à les servir : le temps est loin où notre ténor national Michel Sénéchal régnait sur l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris ! Il pourrait au moins y donner des cours d'interprétation comme il le fait à la Juilliard School de New York ... Les stagiaires étrangers pourraient ainsi s'initier aux secrets du chant français en venant se perfectionner à Paris. Parfois, on se demande en entendant notamment la prosodie exemplaire du choeur anglais de John Eliot Gardiner dans la Carmen de l'Opéra Comique, s'il ne vaut pas mieux aller à Londres pour apprendre à chanter en français !

Donné dans le cadre intime de l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, ce spectacle bénéficie de la belle réduction de la partie d’orchestre pour quatre musiciens (piano à quatre mains, flûte et violoncelle) de Didier Puntos. Cela devrait rassurer les jeunes chanteurs. Certains se croient néanmoins obligés de donner de la voix comme s'ils se trouvaient sur la grande scène de l'Opéra Bastille ! Mais tous jouent bien leur rôle guidés d'une main sûre par le metteur en scène Jean Liermier. Les décors et les costumes signés Philippe Miesch sont astucieux et adaptés au lieu comme à l'expérience des jeunes chanteurs.

Jacques Doucelin

Ravel : L’enfant et les sortilèges – Paris, Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, le 24 juin, dernière représentation le 30 juin 2009

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Photo : DR

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