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Compte-rendu : Le Trio Roussev-Salque-Rozanova au Théâre Adyar - Au bonheur de la musique de chambre


Entre un indigeste pâté pour le centenaire de Mahler et un Siegfried survitaminé à l’herbe par un travelo nommé Mime dans le hall de gare de l’Opéra Bastille, ça fait vraiment du bien de se mettre au vert en se ressourçant dans le calme cosy d’une vraie acoustique naturelle faite sur mesure pour la musique de chambre comme le Théâtre Adyar. Là, on ne triche pas : on paye comptant. C’est ce qu’a fait, dans le cadre de la série « Rive Gauche Musique », le Trio Roussev-Salque-Rozanova : en une décennie, ces brillants solistes ont appris à respirer ensemble entraînant à leur suite un public nombreux où certains fonctionnaires seraient fort surpris de constater le parfait équilibre des âges de la vie entre têtes blanches et têtes blondes, entre étudiants et quadras.

Des prix de places au niveau de ceux d’une toile sur les Grands Boulevards, ça vous booste sacrément la démocratisation de la culture ! Moyennant quoi, nos vaillants Mousquetaires n’ont pas pour autant opté pour la facilité, mais pour la curiosité avec des pièces moins connues comme les deux premiers des trois Trios de Brahms. Celui en si majeur op 8 sent encore son essai, même après sa réécriture trente sept ans plus tard. Car le protégé de Schumann, alors âgé de vingt et un ans, reste corseté dans son admiration pour Bach et Beethoven.

Le 2e Trio est à la fois le mal aimé du compositeur et des interprètes en dépit d’un des plus beaux scherzos de la musique de chambre que nos jeunes musiciens ont enlevé avec toute la légèreté et l’allant requis, vivacité qui a joliment rebondi dans le finale Allegro giocoso. Mais Brahms n’était qu’un galop d’essai avant le Trio en ré mineur op 49 de Mendelssohn croqué avec un appétit, un brio et un enthousiasme extraordinaires, qui a transcendé chacun des trois musiciens mués soudain en un seul instrument : l’archet poète du violoniste Svetlin Roussev, le violoncelle libéré de François Salque et le clavier chantant d’Elena Rozanova.

C’est qu’à l’inverse de Brahms l’ours solitaire, Mendelssohn avait par tradition familiale le sens de la conversation en musique chère aux salons romantiques européens. C’est une explosion d’éclats de joie entre deux accès de nostalgie : le bonheur en musique.

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre Adyar, 3 mars 2011

www.theatre-adyar.fr

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Photo : Eric Manas

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