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Compte-rendu - Fabien Gabel dirige l’Orchestre National - Fête des timbres
La jeune génération ne manque pas de talentueuses baguettes. On en a eu une illustration il y a peu au TCE lors du concert que Fabien Gabel dirigeait à la tête de l’Orchestre National de France. A trente-quatre ans, cet artiste, trompettiste de formation, a travaillé avec David Zinman et a collaboré étroitement avec Sir Colin Davis et Bernard Haitink en tant que chef assistant au London Symphony Orchestra. Il connaît par ailleurs bien les musiciens du National puisqu’il a par ailleurs été assistant de Kurt Masur. Autant dire que les débuts du jeune chef ne se placent pas sous les plus mauvais auspices.
S’il faut désigner une qualité première chez Fabien Gabel, c’est le mot coloriste qui vient immédiatement à l’esprit. On le mesure dès la rare ouverture Viviane, op 5 d’Ernest Chausson dont il éveille avec tact la poésie et le parfum légendaire. Premier soliste de la soirée, le jeune Rafal Blechacz est l’interprète du Concerto n°2 pour piano de Saint-Saëns. Le Premier Prix du Concours Chopin 2005 y fait entendre de belles nuances. A l’excès même, car sa conception élégante perd de vue l’esprit de l’ouvrage. A trop raffiner les moments les plus poétiques du premier mouvement, l’artiste polonais néglige la ligne générale de celui-ci. A trop chercher, il laisse de côté l’essentiel et ne s’investit pas autant qu’il le faudrait (trop sage Allegro scherzando…). Le jeu de Blechacz possède bien des qualités mais, tout comme sa vision très classique de Préludes de Chopin (chez DG) manque de morbidezza pour pleinement convaincre, son Saint-Saëns paraît trop « pastel » et laisse sur un sentiment d’inabouti. Il reste que Fabien Gabel le suit avec une totale loyauté dans ses intentions et distille les couleurs de l’orchestre avec beaucoup de science et de sensibilité. Laissons à Blechacz le temps de mûrir sa conception.
La seconde partie de la soirée fait place à la création avec Le Songe de Salinas de Richard Dubugnon : un cycle de cinq mélodies sur des textes de Stéphane Héaume. Poésie d’amour et de mort dont le jeune compositeur franco-suisse a su tirer parti. On se laisse d’autant plus prendre par l’exotisme évocateur et imagé de l’œuvre que la mezzo Nora Gubisch la porte avec sensualité et conviction. Quoique fournie, l’orchestration de Dubugnon ne se fait jamais écrasante et la baguette de Gabel n’a de cesse d’offrir le plus bel écrin à la soliste, jusqu’à la dramatique conclusion du cycle.
Français jusqu’au bout et d’une cohérence remarquable, le programme se referme avec la suite tirée du Festin de l’araignée d’Albert Roussel. Sans manquer de vivacité et de lisibilité, l’approche de Fabien Gabel tranche sur des conceptions plus sèches, plus nerveuses de cette musique et partant offre une conclusion toute de poésie à une belle soirée du musique française.
Alain Cochard
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 14 mai 2009
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Photo : P. Schlienger
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