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Compte-rendu : Emouvant hommage - Henri Dutilleux au Festival d’Auvers-sur-Oise

Le concert en l’honneur d’Henri Dutilleux auquel a assisté le compositeur, aujourd’hui âgé de 94 ans, a été un moment fort pour tous ceux qui ont vécu cette soirée marquante du 30e Festival d’Auvers-sur-Oise.

Dans le superbe vaisseau de l’église Notre-Dame, neuf pianistes familiers du Festival ouvrent le feu en donnant en création mondiale la Suite Auvers Opus 30, composée à l’intention de leur grand aîné par Nicolas Bacri, Eric Tanguy, Guillaume Connesson, Thierry Escaich, Pascal Dusapin, Philippe Hersant, Bruno Mantovani, Karol Beffa, Régis Campo. Sur le motif « Auvers » (la, sol, la, mi, ré, si), chaque courte pièce constitue une perle de ce collier aux humeurs et à l’esprit ondoyants et divers, situé entre puissance, lyrisme, recherche de sonorités, improvisation ou encore imagination ludique comme la superbe Etude pour les cordes bloquées de Régis Campo sous les doigts experts de Bertrand Chamayou.

La lecture par le comédien Hubert Jappelle de la lettre de Van Gogh évoquant le tableau La Nuit étoilée, ainsi que l’extrait d’un prenant enregistrement des Correspondances par Barbara Hannigan et l’Orchestre Philharmonique d’Oslo dirigé par Jukka-Pekka Saraste, accompagnent une projection sur écran de l’œuvre de Van Gogh dans une atmosphère de recueillement très émouvante. Le violoncelliste Henri Demarquette conclut cette première partie par une exécution virtuose et étincelante des 3 Strophes sur le nom de Paul Sacher.

Après la pause, les œuvres retenues proposent un éventail très parlant de l’esthétique d’Henri Dutilleux. Le remarquable jeune flûtiste Clément Dufour (accompagné du pianiste Tristan Pfaff) donne toute son élégance française à la Sonatine pour flûte et piano écrite pendant la Seconde Guerre mondiale pour un concours du Conservatoire, et le troisième mouvement (Choral et variations) de la Sonate pour piano (1947/1948) par la brillante Claire-Marie Le Guay précède le Prélude Le Jeu des contraires (1988), distillé avec un art subtil du clavier par François Dumont.

La révision de la pièce Citations (1985/1990/Juin 2010) avec un court Interlude où apparaît, jouée à la contrebasse, la plainte du loup extraite du ballet Le Loup (1953), constitue en soi un événement. Les quatre interprètes : Maurice Bourgue (hautbois), Bernard Cazauran (contrebasse), Jory Vinikour (clavecin), Hélène Colombotti (percussions), rivalisent de ferveur et d’attention dans cette partition rigoureuse et libre où Dutilleux se cite lui-même après s’être inspiré de Clément Janequin, de Jehan Alain ou de Benjamin Britten. Enfin, le Quatuor Rosamonde offre une vision très concentrée et lyrique d’Ainsi la nuit, où la magie sonore le dispute à la densité minérale.
Après ces moments de rêve et malgré l’heure tardive, les acclamations du public à l’égard d’un compositeur sans cesse en quête d’absolu paraissent ne jamais devoir s’arrêter.

Michel Le Naour

Auvers-sur-Oise, Eglise Notre-Dame, 24 juin 2010

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Photo : DR
 

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