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Compte-rendu : Eloge de la perfection - Krystian Zimerman joue Chopin


Bicentenaire de la naissance de Chopin oblige, Krystian Zimerman – après Amiens, Toulouse, Dijon, Grenoble, Paris – pose son piano à l’Auditorium de Lyon dans le cadre de la saison des Grands Interprètes, avec un programme consacrée aux Sonates n°2 et 3, au Scherzo n°2 et à la Barcarolle. D’entrée de jeu, le Nocturne en fa dièse majeur op 15 n°2 installe le climat : sonorité ambrée, volutes belcantistes et contrôle absolu du clavier d’une esthétique picturale. Ce même sentiment prévaut dans une Sonate « Funèbre » portée de bout en bout par un sentiment tragique avec une clarté de ton, une fluidité qui laissent entendre le moindre détail de l’harmonie sans pour autant perdre de vue une construction élaborée débouchant sur un final halluciné et visionnaire. Le Scherzo n°2 est emporté par une technique souveraine, non pas celle de l’artisanat furieux cher à René Char, mais celle d’un classicisme épuré au service de l’âme et du cœur de Chopin.

Après l’entracte, dans la Sonate n°3 en si mineur, Zimerman contrôle tous les paramètres avec ce sens de l’équilibre, ce dosage sans limite des contrastes et cette perfection magistrale de la narration qui s’oublie l’espace d’un instant dans les méandres du Largo tout en retrouvant bien vite ses repères. Le final nous empoigne sans laisser le moindre répit avec un caractère obsédant, inexorable, marqué par la main gauche. La Barcarolle conclusive envoûte non seulement par le charme d’un piano quasi immatériel au rythme immuable, mais aussi par la poésie décantée qui se dégage de cette exécution lumineuse. Le public, enthousiaste, réclame ce bis qui ne viendra pas au terme d’un récital à la densité et à la concentration proches de cette pierre philosophale rêvée par les alchimistes.

Michel Le Naour

Lyon, Auditorium, 2 avril 2010

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Photo : Kasskara/DG

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