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Compte-rendu : Danse/Le centenaire des Ballets Russes à Monte-Carlo - Si Diaghilev nous était conté

Avec ce fastueux anniversaire, le Rocher ne sait plus à quel Faune se vouer ! Pas une galerie commerciale monégasque qui n’expose une image alanguie de Nijinski, pas un tournant de rue qui n’envoie comme une glorieuse provocation la jambe en l’air du formidable personnage silhouetté pour l’affiche de la manifestation. Jusqu’à l’aéroport de Nice où on est accueilli par un des esclaves du harem de Schéhérazade, sous vitrine dans son costume rutilant, entre les visions poétiques des Karsavina, Pavlova ou Lifar. Bref, la toupie mise sur orbite par Jean-Christophe Maillot, surdoué et suractif directeur des Ballets de Monte-Carlo, n’a pas fini de s’affoler en ce centenaire des Ballets russes.

Malgré son image souvent abîmée, on se doit de rappeler quel fut le prestigieux passé de la principauté, intense foyer de création chorégraphique allumé par l’étincelle des Ballets de Diaghilev, qui s’y produisirent plusieurs fois avant d’y prendre racine. Maillot, animé par un perpetuum mobile et une inquiétude créatrice sans repos, a toujours été fasciné par l’énergie novatrice et le flair de découvreur d’un homme qui sut brasser et harmoniser les plus grands génies de l’époque pour une œuvre commune, en une sorte de puzzle vivant. Il a donc saisi cette occasion unique de convier une foule d’artistes à tenter de retrouver l’esprit de risque et d’interrogation sur leur temps, qui fut la carte de visite des Ballets russes.

Etalée sur toute la saison 2009-2010, la célébration se décline donc en trois actes dont le premier, ce mois, visite et revisite le répertoire Diaghilev : du plus immense génie de la danse à ce jour, John Neumeier, avec sa troupe hambourgeoise, qui retrace la course folle de Nijinski dans une œuvre touffue et perturbante, créée en 2000, aux trépignements indigents de la canadienne Marie Chouinard, dont les deux idées, même si l’une d’elle est plastiquement très belle, ne suffisent pas à faire une œuvre.

Chacun étant convié, à partir des pièces maîtresses du répertoire des Ballets russes, à repenser ces thèmes presque mythiques : pas moins de sept Sacres du printemps, pour ébranler le sommeil d’une multitude de Faunes, ceux-ci présentés notamment au cours d’une séance quasiment hypnotique, toujours sur la musique de Debussy : cinq s’y succédaient, scandés par des textes lus par Didier Sandre, du splendide faune de Malandain avec le beau Christophe Romero, au vénéneux duo faunesque de Maillot, en commençant par l’original Après-midi d’un Faune de Nijinski, incarné par un Eric Vu An sur lequel le temps n’a pas de prise. On aura tiré à de multiples reprises les ficelles de Petrouchka et effeuillé abondamment les voiles de Schéhérazade. La sultane la plus attendue étant celle que Maillot créera pour le bouquet final, puisque c’est sur ce thème qu’il a laissé tomber son mouchoir, vrai seigneur des lieux. Sa Schéhérazade se coulera entre Le Sacre du Printemps de Nijinski, et Le Fils prodigue de Balanchine.

Le tout étoffé de conférences de Richard Flahaut, historien et barde de la danse, de colloques, rencontres, projections, installations, animations. Ensuite, Acte II à partir du 27 mars, pour un voyage au cœur des nouvelles formes de danse déclenchées par la révolution Cunningham. Enfin, en juillet, place à la création libre, venue des Pays bas, d’Autriche, d’Italie, d’Allemagne et de Monaco, avec une nouvelle création de Jean-Christophe Maillot. Que sortira-t-il de cet éventail agité en tout sens ? Une réflexion, des chocs, peut-être pas un cap, mais sûrement de nouveaux rivages. Du Diaghilev, pour encore nous étonner…

Jacqueline Thuilleux

Centenaire des Ballets Russes/Acte 1 - Monte-Carlo, Grimaldi Forum, Opéra, les 12 et 13 décembre 2009, jusqu’au 3 janvier 2010
Infos : www.monacodanceforum.com

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Photo : Holger Badekow
 

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