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Compte-rendu : Christoph von Dohnányi et l’Orchestre de Paris - Un art à son apogée

Familier de l’Orchestre de Paris dont il avait été de 1998 à 2000 l’un des conseillers musicaux, le chef Christoph von Dohnányi ne s’est pas produit dans la capitale avec cette formation depuis sept ans. Les retrouvailles témoignent de toute la complicité qui l’unit à des musiciens pour lesquels sa direction n’a pas de secret.

En début de programme Con brio, ouverture de concert (2008) du jeune Jörg Widmann en création française, est un hommage à Beethoven (en particulier aux 7ème et 8ème Symphonies). Tendue voire agressive, d’une pulsation dynamique marquée par les timbales, l’œuvre, d’une efficacité redoutable, bénéficie d’une interprétation expressionniste et très engagée.

Le Concerto pour piano en sol mineur de Dvorák ne connaît pas le même engouement que celui pour violoncelle ou pour violon. Partition touffue, dense, surchargée, elle ne séduit pas de prime abord mais recèle des trésors cachés de poésie, d’exubérance rythmique et d’émotion à fleur de peau. Le pianiste allemand Martin Helmchen, victorieux du Concours Clara Haskil en 2001, joue dans le registre de l’intimité, de la connivence avec l’orchestre (Allegro agitato) en manifestant une certaine distanciation (Andante sostenuto) tout en faisant preuve dans le final (Allegro con fuoco) d’une technique à toute épreuve, d’une fluidité et d’un raffinement qui se retrouvent dans le Moment musical de Schubert donné en bis. On perd dans le Concerto en sentiment épique ce que l’on gagne en délicatesse. Le classicisme maîtrisé oublie quelque peu le romantisme flamboyant qu’installe pourtant l’accompagnement du chef.

La Symphonie n°3 « Héroïque » de Beethoven est un des chevaux de bataille de Dohnányi qui sait privilégier l’essentiel avec une connaissance de l’architecture de cet opus rebattu. Pas de révolution dans sa conception d’une ampleur qui privilégie la clarté des plans, la sensualité du son (la clarinette de Pascal Moraguès fait des miracles !), et réussit même, malgré un effectif important digne de celui de Böhm avec la Philharmonie de Vienne, à susciter au-delà du souffle et de l’élan une profondeur et une tendresse (Marche funèbre) qui portent la marque d’un art à son apogée.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 30 septembre 2010

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