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Compte-rendu : Cédric Tiberghien en récital au Théâtre des Champs-Elysées - Concentration poétique


Très pris par sa carrière à l’étranger, outre-Manche en particulier, Cédric Tiberghien aura pris un peu plus de temps que d’autres pour donner son premier récital au Théâtre des Champs-Elysées. Qu’importe, le tout était de se montrer, comme il l’a fait, à la hauteur d’un cap important dans le parcours de tout pianiste. Réussite d’autant plus méritoire que son programme à dominante chopinienne, conçu autour du thème de la mazurka, invitait l’auditeur à un concert passionnant mais exigeant.

A côté de cinq mazurkas, des opus plus développés tels que le Scherzo n°1, la Ballade n°1 et le Scherzo n°2 forment les piliers d’une première partie que l’interprète attaque en donnant le ton. Rageur mais dominé, le Scherzo n°1 augure de la concentration poétique d’un concert où le jeu ne cède rien à l’effet, d’abord occupé à dévoiler des horizons inattendus dans ces pages rebattues. L’art de la narration qui porte la Ballade en sol mineur emporte l’adhésion autant qu’un Scherzo en si bémol mineur qui, loin du déballage virtuose dont il souffre souvent, sait trouver le mystère derrière la fièvre. Accordée à l’esprit de la musique, la palette sonore nuancée, intense mais jamais criarde, n’émerveille pas moins dans des mazurkas ciselées sans maniérisme, aux couleurs parfois lunaires (op 17 n°4, op 24 n°4).

L’art de la miniature de Tiberghien convainc tout autant au cours d’une seconde partie où l’étrangeté de Szymanowski (Mazurkas op 50 nos 1 et 7), le post-romantisme riche de prémices de Scriabine ou la saveur souvent épicée de Tansman (des extraits des 1er et 3ème livres de Mazurkas) sont conviés. Le mot de la fin revient à Chopin avec les Mazurkas op 59 – un parfum de musique sous des doigts inspirés – et, enfin, la Polonaise-Fantaisie. Tiberghien côtoie certes cet ouvrage depuis très longtemps, mais seul un musicien de sa classe pouvait en extraire le suc poétique d’une aussi magique et aventureuse façon.

Alain Cochard

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 17 novembre 2010

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Photo : Dr

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