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Compte-rendu : Bienvenue à l’auberge latino-espagnole - Festival « Caminos » de Sarrebourg

Avant tout, ces Caminos premiers du nom disent la réussite d’une aventure culturelle vieille de plus de 20 ans : celle des « Chemins du Baroque » qui, imaginés par l’inventif Alain Pacquier, ont parcouru en tous sens le continent latino-américain, afin de réveiller les consciences et les passions autour du fabuleux patrimoine né de la rencontre des musiques apportées par les Espagnols et des répertoires amérindiens. En fait, mieux qu’une rencontre : un métissage riche de surprises et d’émotions, avec le travail de restauration (églises, orgues, partitions d’époque) que le projet implique.

Coïncidant avec la programmation du 23ème Festival de Sarrebourg, ces « Chemins » 2010-2011 avaient comme une saveur d’accomplissement. Car voyages il y a ici, qui, tant de fois, nous ont captivés dans un passé proche, parce qu’ils donnaient vie à nos rêves, à travers quelques initiatives hautement signifiantes, telle la fondation, en 2008, de la première Académie Baroque d’Amérique latine à Andahuaylillas sur le haut-plateau péruvien, à 3.000 mètres d’altitude…

Pour en revenir à Sarrebourg, le point d’attache, comme chaque été, s’appelle le couvent Saint-Ulrich. Un lieu convivial entre tous où la cornettiste Judith Pacquier, fille d’Alain, faisait répéter, à notre arrivée, un superbe programme autour de Monteverdi, génial initiateur du geste baroque en l’occurrence.

Pour autant, l’événement de cette seconde journée tenait dans le concert de Gabriel Garrido, à la tête de la Capilla Panamericana, révélation de cette édition 2010, outre le concours de la Maîtrise de Nîmes. Aussi bien, on ne présente plus le chef argentin, acteur majeur du retour au Baroque, tant en Europe qu’au Nouveau Monde, où il a inculqué à des centaines d’élèves les principes d’une approche dynamique du répertoire colonial, jusque dans l’espace du sanctuaire.

Précisément, ces principes ne cessent d’être mis en pratique dans les Vêpres Solennelles de San Ignacio, reconstitution fastueuse d’un office peut-être donné en la cathédrale de La Plata (aujourd’hui Sucre, en Bolivie) vers 1740 et emprunté, pour la musique, à deux maîtres valeureux d’origine italienne : le Milanais Roque Ceruti, qui termina ses jours comme maître de chapelle à la cathédrale de Lima en 1760, et l’énigmatique Toscan Domenico Zipoli (1688-1726), talent de premier plan (parfois appelé l’Orphée des Guaranis), mais dont la vie reste très mal connue et la participation à la rédaction des Vêpres de San Ignacio contestée par plusieurs musicologues.

Ce qui est certain, en revanche, c’est que Garrido a l’instinct de ces liturgies où humilité et majesté alternent sans désemparer, associées à une théâtralité qui s’appuie sur des combinaisons spectaculaires (jusqu’à 4 chœurs). Et le chant soliste n’est pas en retrait, avec la vocalité imparable de la soprano Anouschka Lara qui se joue de l’acoustique assez capricieuse de l’église Saint-Barthélémy, lieu du concert. Gageons qu’avec de tels intervenants, l’épilogue de Caminos, prévu pour l’automne 2011, aura des allures d’apothéose. Avec, cerise sur le gâteau, l’exposition « Regards Indiens » au Musée des Arts Premiers, Quai Branly, en collaboration avec la Fondation BNP Paribas, fidèle partenaire des « Chemins » depuis toujours.

Roger Tellart

Sarrebourg, Eglise Saint-Barthélémy, 10 juillet 2010

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Photo : DR
 

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