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Compte-rendu : Arcadi Volodos et Rafael Frühbeck de Burgos - Tchaïkovski réinventé
Nikolaï Rubinstein avait tout faux ! : le 1er Concerto de Tchaïkovski se range parmi les ouvrages les plus rebattus de la littérature de piano, que ce soit au concert ou au disque. On a vu des tandems prestigieux s’y casser les dents ou, en tout cas, ne pas vraiment exalter l’oreille - la version que Richter et Karajan gravèrent en 1963 en est un bon exemple. Avec la Philharmonie de Berlin également, Arcadi Volodos avait enregistré (Sony) au début des années 2000, sous la baguette de Seiji Osawa, une version « efficace » - mais que l’on a bien moins réécoutée que les merveilleuses pièces pour piano solo qui la complétaient … Le pianiste n’avait pas encore trouvé « la » clef du Si bémol mineur. C’est fait ! Le temps et la réflexion ont agi ; Volodos a littéralement réinventé l’Opus 23 de Tchaïkovski à l’occasion du concert de rentrée le l’Orchestre de Paris, sous la baguette de Rafael Frühbeck de Burgos.
Anti-spectaculaire, fourmillante d’idées musicales assumées avec une virtuosité plus décantée que jamais, d’une variété incroyable dans les attaques, les coloris (par instants Tchaïkovski semblerait presque avoir humé les éthers scriabiniens…), chambriste dès que l’occasion se présente, l’approche de Volodos s’oppose au « char d’assaut » que devient trop souvent ce concerto. Rien de tape-à- l’œil ; de la poésie pure – la virtuose partie centrale de l’Andantino n’est plus que parfum de musique sous ses doigts inspirés.
Un vrai miracle, partagé avec un maestro qui ne quitte pas un instant de l’œil son soliste et soigne la nuance avec l’art d’un très grand. Triomphe : Volodos gratifie un public très nombreux de trois bis (Vivaldi/Bach, Mompou et Albeniz). « Il n’y a pas de mauvais piano, il n’y a que de mauvais pianistes » : parce que Volodos est l’une des plus grands de ce début de siècle il nous aura d’ailleurs presque totalement fait oublier le très banal Steinway mis à sa disposition…
Frühbeck de Burgos est l’un des chefs invités préférés des musiciens de l’Orchestre de Paris. Ces mines rayonnantes, ces violons penchés vers les pupitres en disaient long sur le bonheur musical qui a régné d’un bout à l’autre de la soirée. La 5ème Symphonie de Tchaïkovski s’inscrit dans le droit fil de la première partie. Vivante, tenue mais jamais forcée, d’un lyrisme entêtant dans l’Andante (chapeau bas au cor de Benoit de Barsony !), elle chemine vers sa triomphale coda avec autant de naturel que de passion contenue.
Très longue ovation pour un chef à l’évidence ravi d’avoir retrouvé les musiciens parisiens. On prendrait volontiers l’avion pour Madrid le week-end prochain et le suivant pour entendre l’intégrale des symphonies de Brahms que Frühbeck de Burgos y dirige à la tête de l’Orchestre National d’Espagne ! (1)
Alain Cochard
(1)http://ocne.mcu.es/temporada-programacion.asp?l=es
Paris, Salle Pleyel, 5 janvier 2011
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