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Compte-rendu : Ambroise Thomas retrouve l’Opéra Comique - Mignon à la salle Favart
Discutez, discutaillez comme vous le voudrez, mais au terme d’un demi-siècle d’absence sur les scènes parisiennes, Mignon d’Ambroise Thomas a connu à nouveau le succès, auprès du public du moins, au soir de la première pour son retour à l’Opéra Comique, sa salle d’origine. Il faut se méfier comme de la peste des réactions d’enfant gâté des aristarques parisiens comme le notait déjà finement Camille Saint-Saëns se souvenant en 1913 de la création (1866) à l’issue de laquelle la rumeur ne prédisait « pas plus de 30 représentations » au nouvel ouvrage : il y en eut 2.000… CQFD !
Pierre Jourdan, qui fut le premier à œuvrer efficacement à Compiègne pour la résurrection de ce répertoire oublié de notre Opéra Comique, eut garde de ne pas oublier Mignon. Simplement, il n’avait pas les moyens financiers alloués aujourd’hui à la salle Favart qui réunit une distribution quasi idéale et quasi entièrement francophone, à l’exception du ténor espagnol Ismael Jordi en Wilhelm Meister, qui chante heureusement mieux notre langue qu’il ne la parle. Dans le rôle-titre, la mezzo Marie Lenormand vous tire des larmes par la justesse de son jeu et la beauté de son timbre. Cette fausse Gitane laissera la place neuf ans plus tard à sa cousine…Carmencita.
En caricature de divette fofolle, l’actrice Philine, la soprano Malia Bendi-Merad fait un numéro payant mais exact qui ne met jamais en péril sa charmante crécelle. Dans le rôle travesti de Frédérick, la mezzo Blandine Staskiewicz a ce qu’il faut d’allant et de punch. Le baryton basse Nicolas Cavallier campe un impressionnant Lothario qui annonce un grand Arkel dans Pelléas et Mélisande… encore un ouvrage maison qui ouvrit le XXe siècle ! Epatant Laerte de Christophe Mortagne tout comme le Jarno de Frédéric Goncalves qui attestent que la tradition française n’a heureusement pas disparue dans la mondialisation effrénée.
Les choristes d’Accentus ne sont pas seulement excellents acteurs, on a plaisir à comprendre tout ce qu’ils chantent. Le Philharmonique de Radio France sous la direction engagée de François Xavier Roth y met tout son cœur. Reste la délicate question de sa disposition inversée dans la fosse, le chef faisant face à la salle… mais tournant le dos aux chanteurs ! Cela se faisait, paraît-il, au Théâtre des Italiens au XIXe siècle. En vérité, cela ne diminue en rien les défauts acoustiques de la fosse, conséquence des travaux entrepris sous le règne d’Alain Lombard à la fin des années 1970.
La scénographie de Laurent Peduzzi et les costumes de Thibaut Welchlin évoquent la vision qu’avait le XIXe siècle du monde de Goethe avec beaucoup d’élégance et de justesse. La mise en scène raisonnable de Jean Louis Benoit est celle qui convient à la redécouverte d’une des œuvres les plus populaires de l’Opéra Comique.
Jacques Doucelin
Thomas : Mignon – Paris, Opéra Comique, le 10 avril, puis les12, 14, 16 et 18 avril 2010
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Photo : Elisabeth Carecchio
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