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Compte-rendu - Altre Stelle au TCE, Anna Caterina Antonacci, une étoile au firmament


Il est difficile d’en vouloir à Juliette Deschamps et à son inspiratrice, Anna Caterina Antonacci, d’avoir voulu prolonger leur expérience de spectacle en forme de pasticcio imaginé en 2006 avec « Era la notte ». « Altre stelle » reprend le principe éprouvé depuis sur de nombreux plateaux (Luxembourg, Dijon, Nîmes…) du concert mis en scène autour d’une personnalité vocale et d’un thème. Après avoir chanté toutes les gammes de la folie et réuni de grandes pages issues du baroque italien, Juliette Deschamps, Anna Caterina Antonacci et François-Xavier Roth, qui succède à Julien Chauvin, ont construit ce nouvel opéra de chambre autour des premières grandes héroïnes romantiques : qu’elles se nomment Phèdre, Armide, Médée, Didon ou Ophélie, leurs amours souvent dramatiques, ont passionné dramaturges et compositeurs, qui se sont plus à dépeindre les tourments de la femme abandonnée, de l’amante trahie ou de la mère poussée à l’infanticide, de Racine à Shakespeare, de Cocteau à Anouilh, de Rameau à Berlioz, en passant par Gluck, Cherubini jusqu’à Jarrell ou Dusapin.

Fascinée par ces figures tragiques dans lesquelles elle s’est déjà illustrée avec talent (la soprano chante la Medea de Cherubini dans sa version italienne depuis plusieurs années), Antonacci dans un décor noir et rouge aux perspectives fuyantes et aux arêtes vives, va donc imperceptiblement passer de l’état de mère bienveillante envers ses deux fils, tel qu’elle apparaît au tout début de la représentation, à celui d’une « interprète » qui se consume jusqu’à la mort avant de disparaître et de n’être plus qu’une voix dont le public ne perçoit que quelques bribes.

Si le propos d’un point de vue intellectuel semble cohérent, ce qui lie les scènes entre elles et devrait conduire à l’unité du spectacle manque de clarté. Les changements de costumes, signés Macha Makeïeff, tous plus laids les uns que les autres, les variations de lumières, les effets scéniques, comme la tempête de neige, qui interviennent pendant les intermèdes orchestraux, aussi utiles soient-ils visuellement, finissent pas apparaître abstraits et anecdotiques, seule la présence de la cantatrice s’avérant indispensable.

Car la voix d’Anna Caterina Antonacci, mise en valeur par les instrumentistes de l’Orchestre des siècles, impressionnante par sa plastique, son expressivité et sa sombre beauté, exerce un véritable empire sur l’auditoire. De Rameau (Phèdre dans Hippolyte et Aricie), elle possède la noblesse et le phrasé sculptural ; de Gluck elle a le port altier et la déclamation immaculée, la Médée de Cherubini lui permettant d’exprimer une violence longtemps réprimée. C’est pourtant chez Berlioz qu’elle porte la tragédie à son plus haut degré de perfection. Après avoir fait retentir la parole prophétique de Cassandre (à Paris et à Genève dans la production des Troyens de Iannis Kokkos), les adieux déchirants de sa Didon « Je vais mourir », d’une splendeur vocale et d’une précision technique sidérantes, touchent au sublime.

On en vient alors à regretter ces phrases obscures tirées de La Divine Comédie de Dante chuchotées par la cantatrice en voix off qui, sorties de leur contexte, paraissent secondaires par comparaison à la musique.

François Lesueur

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 27 avril, prochaine représentation le 30 avril 2009

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Photo : DR/Concertclassic

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