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« Chasing Rainbows » à l’Opéra-Comique – The People’s Princess – Compte rendu

 
 

 
Excellente idée que de reprendre pour les fêtes de fin d’année le spectacle créé en mai 2024 par Thomas Dunford et Lea Desandre autour des chansons interprétées par la grand Julie Andrews, qui a soufflé ce 1er octobre ses quatre-vingt-dix bougies. Pour qui aime son thé bien sucré, ce concert à base d’extraits de comédies musicales des années 1950 aux années 1980 est un régal absolu, conduit de main de maître.

 

© Stephan Brion

Le musical est soluble dans l’opéra et vice versa
 
Plus habitué à la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, l’ensemble Jupiter ne s’en épanouit pas moins dans ce répertoire dont les Anglo-saxons sont familiers depuis l’enfance – une bonne partie des instrumentistes sont eux-mêmes anglophones et Thomas Dunford est d’ascendance américaine. La mise en espace est assurée par la Britannique Sophie Daneman, les arrangements musicaux étant assurés par le pianiste Joe Atkins, qui campe aussi un savoureux professeur Higgins pour quelques répliques parlées, et même Mrs Pearce, la gouvernante du susdite Higgins.
Mais surtout, bien sûr, c’est Lea Desandre que l’on vient écouter et admirer, avec son sourire charmeur qui ne s’efface guère que pour « Victor Victoria », où une mine inflexible est de mise, et sa voix qui, malgré la sonorisation, ne craint pas d’adopter de séduisantes couleurs propres au chant lyrique, prouvant que le musical est soluble dans l’opéra et vice versa (Julie Andrews avait reçu une solide formation dans ce domaine, et chantait à douze ans « Je suis Titania la blonde » dans un spectacle du West End, un enregistrement en témoigne). Les élégants costumes d’Hubert Barrère font de Lea Desandre une véritable princesse, mais qui ne craint pas de se faire petite marchande de fleurs de Covent Garden (avec un accent cockney néanmoins maintenu dans les limites du raisonnable), gouvernante anglaise ou préceptrice tyrolienne : on voudrait la surnommer, comme jadis Lady Di, the People’s Princess.  
 

© Stefan Brion

 
Luthiste rockstar
 
Le programme reprend les principales étapes du parcours de Julie Andrews, avec d’abord quelques extraits de The Boy Friend, le spectacle de ses débuts à Broadway en 1954. On aborde forcément My Fair Lady, qui la révéla en 1956 : « Loverly », bien sûr, mais aussi un jubilatoire « The Rain in Spain », suivi par l’air de Freddy arrangé pour l’orchestre seul, et enfin « I could have danced all night ». Cinderella de Rodgers et Hammerstein, créé l’année suivante, a moins marqué les mémoires, mais grâce à Walt Disney, Julie Andrews eut sa revanche sur Audrey Hepburn qui lui avait ravi à l’écran le rôle d’Eliza Doolittle puisqu’elle tourna un autre classique inoubliable : Mary Poppins, avec un « Just a spoonful of sugar » particulièrement vitaminé. En 1982, Victor Victoria fut son dernier grand succès au cinéma. Seule véritable entorse à la chronologie, on a gardé pour la fin La Mélodie du bonheur (1964), où Lea Desandre s’amuse à faire chanter le public le célèbre « Do-Re-Mi ». Thomas Dunford, ici surtout présent comme chef (et même un peu comme chanteur, dans « Supercalifragilistic »), n’en garde pas moins le luth accroché autour du cou, n’hésitant pas à le balancer comme une rockstar, et il s’en sert notamment pour accompagner un « Edelweiss » tout en délicatesse. On pourrait s’étonner de trouver « I Feel Pretty » parmi les titres ici retenus, car Julie Andrews n’a semble-t-il jamais participé à une production de West Side Story, mais elle avait enregistré cet air dans un disque de 1961, et c’est l’occasion pour l’orchestre de se déchaîner dans un extrait symphonique de la partition de Leonard Bernstein.
Devant l’enthousiasme extrême du public, et bien qu’annoncée souffrante avant le début du concert, Lea Desandre concède un premier bis, « Chasing Rainbows, qui donne son titre à la soirée, et n’a ensuite d’autre choix que de revenir à « Do-Re-Mi », non sans avoir souhaité un joyeux Noël aux spectateurs.
 
Laurent Bury
 

« Chasing Rainbows » – Paris, Opéra-Comique, 13 décembre ; prochaines représentations le 14 décembre 2025 (à 15h et à 20h) // www.opera-comique.com/fr/spectacles/chasing-rainbows-2025
 
Photo © Cordula Treml

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