Journal
Centenaire du Martyre de saint Sébastien de Debussy et création du PSPBB
3 Questions à Alain Louvier, compositeur et directeur du Conservatoire de Boulogne-Billancourt (1)
Le 22 mai 1911, le Châtelet accueillait la création du Martyre de saint Sébastien de Claude Debussy et Gabriele D’Annunzio, sous la baguette d’André Caplet. Un siècle plus tard, jour pour jour, l’ouvrage est de retour dans le théâtre parisien, sous la baguette d’Alain Louvier.
Donnée dans une adaptation de Sylvie Chenus, avec les jeunes forces du Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris-Boulogne Billancourt (PSPBB), le Chœur régional Vittoria, la Maîtrise de Paris et le Madrigal de Paris, cette exécution marque la création du 1er établissement public de coopération culturelle d’enseignement supérieur en spectacle vivant. A cette occasion Alain Louvier, directeur adjoint du PSPBB, répond à concertclassic.
En quoi consiste le Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris –Boulogne Billancourt (PSPBB) ?
Alain Louvier : Il s’agit d’un pôle d’enseignement supérieur de la musique qui s’ajoute au deux CNSM de Paris et Lyon et qui résulte de la collaboration de deux conservatoires de région, le CRR de Paris, rue de Madrid, et celui de Boulogne-Billancourt, mais aussi de deux universités : l’Université Paris Sorbonne pour la musique et l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 pour le théâtre. A la tête du CRR de la rue de Madrid, Xavier Delette assure également la direction du PSPBB et, en tant directeur du CRR de Boulogne-Billancourt, je suis directeur adjoint à ses côtés.
Nous avons été en association de préfiguration d’abord, depuis le 1er janvier 2010 nous sommes en établissement public (EPCC) avec des conventions entre l’EPCC et Boulogne-Billancourt, ou plus exactement la communauté d’agglomération Grand Paris Scène Ouest (GPSO) – dont le maire de Boulogne est le président -, la Ville de Paris, l’Etat et les universités concernées. Le concert du 22 mai aura d’ailleurs été précédé d’une cérémonie de signature des diverses conventions ; une manière de sceller publiquement la création du 1er établissement public de coopération culturelle d’enseignement supérieur en matière de spectacle vivant.
Pourquoi avoir choisi de donner Le Martyre de saint Sébastien pour ce premier concert public de l’Orchestre du PSPBB ?
A. L. : Le PSPBB existe depuis quatre ans et nous avions cette année suffisamment – ou presque - de musiciens pour former un grand orchestre symphonique, composé quasi exclusivement d’élèves du cycle du PSPBB. Etant donné que ce pôle comporte aussi des acteurs, j’ai proposé Le Martyre de saint Sébastien dont c’est le centenaire de la création. C’est une œuvre que je connais très bien depuis très longtemps. Ayant été professeur d’analyse au CNSM j’ai eu des élèves qui travaillaient sur elle - une partition très intéressante au niveau musicologique. Xavier Delette a accepté mon idée et m’a proposé de diriger Le Martyre - chose que je n’avais pas prévue initialement ! Le directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, avec qui Xavier Delette avait par hasard parlé il y a un an, s’est souvenu que la première du Martyre a eu lieu dans son théâtre, le 22 mai 1911 et nous à libéré avec enthousiasme sa salle afin que l’on puisse y jouer l’ouvrage le jour même du centenaire de sa création.
Vous allez toutefois le donner dans une version abrégée…
A. L. : A l’origine il y avait quatre heures de texte (4000 vers) de D’Annunzio. Ce dernier a travaillé dans l’esprit d’un mystère médiéval – Le Martyre ne comporte d’ailleurs pas cinq actes mais cinq « mansions ». S’ajoutait en 1911 un élément dansé – qui nous n’aurons pas – avec Ida Rubinstein, la commanditaire de l’œuvre. La version abrégée du Martyre qui a été jouée depuis un siècle et qui permet de donner l’œuvre avec toute sa musique et ses chœurs a été réalisée par D.E. Ingelbrecht, de façon assez habile d’ailleurs. Elle ne comporte que le rôle de Saint Sébastien, alors que dans le texte de D’Annunzio il y a un tas de personnages hauts en couleur, depuis les magiciennes jusqu’à l’Empereur. Auteur de l’adaptation qui sera donnée au Châtelet, Sylvie Chenus a souhaité rétablir certains de ces personnages.
Je n’avais pas lu depuis plus de dix ans le texte de D’Annunzio. Je l’ai repris récemment. On ne le lit plus de la même façon avec tout ce qui est arrivé depuis 2001, année tristement illustrée par certains «fous de Dieu »… D’Annunzio nous décrit un fondamentaliste, qui va au martyre, qui entraîne les autres au martyre. Son dialogue avec l’Empereur est une belle description du conflit fondamental entre le religieux et le politique.
Dans la version que nous allons donner, Saint Sébastien sera entouré de quatre autres jeunes comédiens et comédiennes qui joueront divers personnages. Leurs interventions viendront s’insérer entre les morceaux de musique et nous avons pris garde qu’elles ne durent jamais plus de cinq minutes.
Debussy a écrit une musique très simple, extrêmement belle, les chœurs sont splendides et rappellent les Chansons de Charles d’Orléans. Un Debussy qui essaie de revenir dans le passé tout en mettant sa touche harmonique à lui. Debussy a eu une véritable volonté de faire quelque chose de très religieux, même s’il n’était pas très croyant ; sa musique reflète une démarche touchante et sincère. Elle sonne de façon parfois très mystique.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 7 mai 2011
(1) Directeur du CNR de Boulogne-Billancourt de 1972 à 1986, Alain Louvier à ensuite dirigé le CNSM de Paris de 1986 à 1999. Depuis 2009, il a repris les rênes du désormais CRR (Conservatoire à Rayonnement Régional) de Boulogne.
Debussy : Le Martyre de saint Sébastien (adaptation de Sylvie Chenus)
Centenaire de la création
22 mai 2011 – 20h (Entrée libre dans la mesure des places disponibles)
Paris – Théâtre du Châtelet
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Photo : DR
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