Journal

Célia Oneto Bensaid joue Glass, Ravel et Pépin (#NoMadMusic)/ Le Disque de la Semaine – Envoûtant continuum – Compte-rendu

Le nom de Célia Oneto Bensaid est déjà connu des mélomanes, qu’ils soient amateurs de mélodie et de lied (domaine où la pianiste forme un duo exemplaire de complicité avec la soprano Marie-Laure Garnier) ou de clavier. On avait été séduit par les couleurs et l’énergie contagieuse de son tout premier disque : un récital Gershwin-Bernstein (1) formé pour l’essentiel de superbes transcriptions de sa main. Une très belle réussite déjà mais, avec ce disque « Metamorphosis », tout juste paru, la jeune pianiste française franchit d’évidence un cap et signe un enregistrement dont la singularité et le degré d’aboutissement forcent l’admiration
 
 
Philipp Glass : Metamorphosis One (ext.)
 
Maurice Ravel : La vallée des cloches (ext.)

C’est durant l’étrange et confiné printemps de l’an dernier qu’elle a imaginé et mûri un programme réunissant Metamorphosis de Philipp Glass et les non moins fameux Miroirs de Maurice Ravel. Des partitions archi-connues certes, mais le coup de maître est d’avoir su en renouveler la perception en mêlant intimement les deux cahiers (en cinq numéros l’un comme l’autre) et, surtout, en s’affranchissant de l’ordre des pièces dans chacun d’eux. Au commencement, Metamorphosis One s’enchaîne, sans l’ombre d’un hiatus, au dernier des Miroirs, La vallée des cloches : on éprouve une sensation de plongée dans un envoûtant continuum musical ; il vous saisit, irrésistiblement ...
 

Camille Pépin : Number I (ext.)
 
Camille Pépin © Natacha Colmez-Collard
 
Maurice Ravel : Alborada del gracioso (ext.)

Célia Oneto Bensaid a aussi embarqué dans son voyage une prenante partition de Camille Pépin : Number I, pièce d’une huitaine de minutes, inspirée d’une toile de Jackson Pollock. Elle connaît particulièrement bien l’univers de la compositrice et sait magnifier un sens du timbre, un art de l’orchestration pianistique (pour reprendre la formule d’Aguettant) qui, sans aucun passéisme, tendent la main à Debussy. On trouve de vigoureux coups de pinceau et de brosse dans Number I, mais aussi des effets de résonance, pareils à des cloches lointaines, dont le mystère et la force hypnotique prolongent idéalement celles de Ravel.
 

Philipp Glass : Metamorphosis Five (ext.)

Noctuelles, Oiseaux tristes, Metamorphosis Four, Une barque sur l’océan, Metamorphosis Two, Metamorphosis Three, Alborada del gracioso, Metamorphosis Five : on aurait envie de s’attarder sur chaque maillon de la suite du programme, sur l’évidence des enchaînements (magique entre Glass et Une barque !), sur l’art de la couleur et de la pédalisation à l’œuvre ici (servi par une excellente prise de son)... Peine perdue. II faut ressentir, éprouver, l’originalité et la cohérence absolue de cet enregistrement, d'autant plus convaincant que le projet de Célia Oneto Bensaid ne la conduit à aucune concession envers le caractère de chaque pièce – le mordant, la virtuosité impeccablement dominée, la sombre expression de la partie centrale d’Alborada en offrent un probant exemple. Admirable ! 
 
Alain Cochard
27/04/2021

(1)        American Touches, 1 CD Soupir
 
« Metamorphosis » (œuvres de Glass, Pépin & Ravel)
Célia Oneto Bensaid, piano
#NoMadMusic NMM092 (dist. PIAS)
 
www.celiaonetobensaid.com
 

Photo © Capucine de Chocqueuse

Partager par emailImprimer

Derniers articles