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​Carte blanche à Rena Shereshevskaya à la Salle Cortot – Chaleureux hommage – Compte-rendu

 
Le Premier Prix et la Médaille d’or d’Alexandre Kantorow au Concours Tchaïkovski ont mis en lumière la personnalité de Rena Shereshevkaya, qui a contribué de manière décisive au succès de son élève à Moscou en 2019. Kantorow certes mais, installée en France depuis trois décennies, cette immense pédagogue a fait profiter de son enseignement à nombre d’autres artistes. Quelques uns d’entre eux – anciens ou actuels élèves – étaient réunis le 14 novembre à la salle Cortot (R. Shereshevskaya fait rappelons-le partie du corps enseignant de l’Ecole Normale) pour une soirée intitulée « Rena Shereshevskaya, 30 ans de présence en France ».

Sous les doigts de Marcel Tadokoro, En avril à Paris de Trenet, merveilleusement transcrit par Alexis Weissenberg, prélude à la soirée en accompagnant la projection d’un album photo retraçant les grandes étapes de l’activité de R. Shereshevskaya depuis 1993. La Pâques de la 1ère Suite à deux pianos de Rachmaninoff et la première des Danses symphoniques du même par Victoria Shereshevskaya (la fille de R. Shereshevskaya est chanteuse mais aussi pianiste), et Gaspard Dehaene (assistant de R. Shereshevskaya à l’Ecole Normale) ouvrent ensuite, avec beaucoup d’allure, un programme qui fait d’abord entendre Dmitry Sin dans l’Elégie op. 3/1 et le Moment musical op. 16/2 de Rachmaninoff : une interprétation fidèle à la sobre mais intense expressivité qui caractérise ce pianiste.
Maxime Alberti lui succède avec le Prélude op. 32/10 de Rachmaninoff, d’une poésie et d’un souffle aussi admirables que l’énergie et l’aplomb avec lesquels il domine le dernier des Huit Préludes du Suisse Frank Martin. La musique française occupe la totalité de l’intervention de  Slava Guerchovitch : une Cathédrale engloutie debussyste aux allures de conte fantastique, suivie des 2 Novelettes de Poulenc dont l’interprète saisit toutes les ambiguïtés avec une palette sonore très raffinée.
Retour à la musique russe avec Rémi Geniet, qui aborde les 2et 3mouvements de la 4e Sonate de Prokofiev et retient l’attention de l’auditoire par la densité sonore et l’autorité pour le moins saisissantes de son approche. On ne reste pas indifférent non plus à la diabolique virtuosité avec laquelle le Duo Mouseîon (Maria Essaylova et Narrek Galoyan) défend des extraits de la non moins diabolique Carmen Fantaisie de Greg Anderson. Electrisant !
 

© Concertclassic 
 
Présent dans l’assistance le compositeur catalan Hèctor Parra n’aura pu que féliciter de la très belle interprétation, entre hiératisme et foisonnement impeccablement maîtrisé, de son Etude d’architecture n° 2 « Siza » par Maroussia Gentet. Après le Trenet/Weissenberg introductif, Marcel Tadokoro retrouve le clavier pour trois extraits (Danse de la Fée Dragée, Pas de deux, Trepak) de la fameuse Suite de Casse-Noisette de M. Pletnev sur le ballet Tchaïkovski et conjugue virtuosité et art de la couleur sans perdre un instant de vue la dimension chorégraphique de la musique.
Accompagné par l’excellent Quatuor Tchalik et Jules Billé à la contrebasse, Alexander Slobodyanik (qui fut le premier élève de R. Shereshevskaya à Moscou) s’empare quant à lui du mouvement initial du Concerto n° 2 de Chopin avec un jeu d’une richesse très russe, mais qui sait préserver l’élan et la jeunesse d’une musique nourrie de style brillant.
 
Lucas Debargue n’a pu être présent à Cortot. Pianiste mais aussi compositeur, il a donc chargé sa musique de le représenter en réalisant, spécialement pour l’occasion, une version (avec accompagnement de nonette à cordes) du premier mouvement de son Concertino pour piano et orchestre (2017). Le Quatuor Nouvelle Scène rejoint les Tchalik et J.Billé, et Julian Trevelyan délivre une interprétation particulièrement volubile et volontaire de la pièce.
Moins de vingt-quatre heures avant de retrouver l’Orchestre de Paris à la Philharmonie (1), Alexandre Kantorow est présent, en mode chambriste, pour le finale de la Sonate pour violon et piano de Strauss partagé avec l’archet de Liya Petrova. Energique conclusion à une généreuse soirée qui aura mis en valeur des interprètes aux personnalités aussi affirmées que singulières.
 
Alain Cochard
 

(1) www.concertclassic.com/article/alexandre-kantorow-en-recital-et-en-concerto-la-philharmonie-de-paris-sur-les-cimes-compte
 
 
Paris, Salle Cortot, 14 novembre 2023
 
Photo © Concerclassic

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