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Carousel au Châtelet - Un classique - Compte-rendu

On est toujours étonné en voyant Carousel à quel point la pièce est bavarde et la musique comme en portion congrue. Du moins au premier acte, où la longue scène de la rencontre amoureuse entre Julie et Billy, compliquée par la présence de Carrie, s’éternise. C’est d’ailleurs le problème du tempo général de l’œuvre, son alternance entre théâtre et musique, typique de la comédie musicale américaine de l’après seconde guerre mondiale, qui laisserait presque interdit. Mais lorsque Rodgers met sur les meilleurs lyrics d’Hammerstein son art de mélodiste, on tient de toute façon des tubes. D’ailleurs Carousel s’est d’abord imposé par ses songs plutôt que pour son ensemble, en partie le contraire des grands déploiements lyriques d’un Sondheim qui, lui, regardait avec obstination vers l’opéra. Lorsqu’on avait vu l’œuvre à Broadway voici presque trente ans, on n’avait pas gardé le souvenir d’une orchestration aussi opulente, aussi aventureuse, qui veut faire presque moderne dans l’ouverture. C’est qu’au Châtelet l’orchestre original est au complet (Kevin Farrell dirige l’Orchestre de chambre de Paris), donnant un visage singulier à des musiques pourtant bien connues.

On vous aura prévenu, il faudra patienter. On ne se souvenait pas d’un premier acte d’une heure presque trois quart, et au début du II d’un si long pique-nique, en fait, l’œuvre prend tout son sens une fois Billy mort, et il faut bien dire que la scène aux portes du Paradis ne manque pas de sel.

Sans prétention, Joe Davis règle un spectacle habile, toujours fluide sauf justement pour le suicide de Billy, long temps presque mort lui aussi ; elle rend surtout bien compte de ce mélange d’émotion et d’ironie qu’on trouvait déjà dans la pièce de Molnar et que Fritz Lang avait su si bien saisir dans son film. Et elle sait aussi se montrer poète comme dans l’illustration de l’ouverture qui nous montre Billy enfant, finement incarné par Théo Perzo. Formidable Billy beau gosse de Duncan Rock, bartyon de grande venue, mais la Julie de Kimy McLaren semble en face de lui comme en retrait au point que Carrie lui vole la vedette : il faut dire qu’elle dispose de certains des plus beaux songs un rien gâchés par le timbre pincé de Rebecca Bottone, typique du musical. Bravo à la Nettie bonne fille de Lisa Milne, un modèle, bravo coté acteurs à deux performances percutantes, Mrs Mullin selon Candida Benson, et surtout le Jigger Craigin haut en couleur de Nicholas Garrett, mais bravo surtout aux danseurs qui donnent à l’œuvre le peps qu’elle n’a pas forcément et lorsque Billy revient voir sa fille distillent une poésie qui enfin accorde complètement musique et action.

Jean-Charles Hoffelé

Rodgers & Hammerstein : Carousel - Paris, Théâtre du Châtelet, le 18 mars, prochaines représentations 19, 20, 22, 23, 24, 26 et 27 mars 2013
www.chatelet-theatre.com

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Photo : Marie-Noëlle Robert
 

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