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Capriccio à l’Opéra de Lyon - Caprice théâtral - Compte-rendu

Au contraire de la Comtesse Madeleine, David Marton a choisi. C’est donc le théâtre qui l’emporte, au point que pour bien enfoncer le clou il prend avec la partition de Capriccio, composée pourtant d’un seul mouvement continu, des libertés coupables. Comme Philippe Katerine, il coupe le son puis le remet après avoir commis des digressions scéniques peu convaincantes sauf une, l’ultime. Lorsque La Roche, parvenu à l’acmé de son monologue bute sur le mot « critiques », Victor van Halem se livre a l’un des formidables numéros d’acteur dont il a le secret. Mais sinon, à chaque fois on enrageait devant tant de libertés prises avec la musique, même si l’on avoue avoir été piqué au vif par la mise en scène.

Théâtre donc, tout n’est que théâtre. D’ailleurs on y est : le décor unique et somptueux jusque dans sa déchéance est un théâtre râpé, vu en coupe, une sorte de Bouffes du Nord, et toute l’action se déroule entre scène, fosse et salle. Exit le palais de la Comtesse, et d’ailleurs celle-ci et son frère de Comte ne seraient-ils pas plutôt des acteurs eux-mêmes ? Le discours sur l’illusion dans le théâtre est si fort dès les premiers instants de l’action qu’on en veut à Marton de minorer sa direction d’acteur au cordeau par des effets faciles comme ce chanteur italien hésitant entre la salle sur scène et la vraie salle, ou l’apport interminable d’X plantes en pot sur la scène. Péchés de jeunesse qui ne suffisent pas à gâcher le plaisir augmenté par une belle troupe de chant.

Qu’Emily Magee soit en voix sans grâce la plus plébéienne des Comtesses qu’on ait croisées - cela correspond bien aux intentions du metteur en scène - c’est entendu mais ne l’empêche pas de dessiner un vrai personnage dont ont suit l’évolution pas à pas. Une formidable Clairon, élégante, acide, ironique jusque dans son flirt avec le Comte, subtilement joué (Michaela Selinger, à retenir, elle a progressé depuis son Hänsel ici même voici quelques saisons), lui vole la vedette pour le glamour.

Quatuor masculin formidable – on a déjà cité Victor Von Halem, La Roche débonnaire et sensible pourtant – emporté par Lothar Odinius, Flamand passionné au beau ténor, qui trouve dans Lauri Vasar un Olivier idéalement juvénile (et qui sait aussi très bien jouer du violon) ; le Comte charmeur et un rien carnassier de Christoph Pohl est un modèle. On a gardé pour la fin le Monsieur Taupe de François Piolino, si sensiblement joué, si tendre, le contraire des numéros de caractère auquel est trop uniment voué cet emploi devenu à force vraiment poussiéreux. Si les serviteurs démontrent l’excellence du chœur de la maison capable d’aligner huit gosiers parfaitement appariés, l’orchestre mené par Bernhard Kontarsky décevait, inégal, alternant léthargie et emportement. On était à la première, cela se réglera.

Jean-Charles Hoffelé

R. Strauss : Capriccio, - Lyon,  Opéra, 7 mai, prochaines représentations 9, 11, 13, 15, 17, 19 mai 2013

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Photo : Jean-Pierre Maurin
 

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