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Capriccio au Palais Garnier – L’éternel retour – Compte-rendu

Bien qu’alléchante sur le papier, on craignait la reprise de trop : c’était sans compter sur les ressources inépuisables de cette production et de son dispositif scénique d’une puissance intacte. Inutile de revenir sur la transposition de cette intrigue de salon XVIIIe aux coulisses de Garnier durant l’Occupation (période où l’œuvre fut composée), tant  elle est réussie et offre au propos de subtils prolongements esthétiques, philosophiques et historiques.
 
Au plateau pas la moindre impression de redite ou de lassitude puisque la distribution a été presque entièrement renouvelée et qu’elle a bénéficié de la présence de Carsen lui-même, revenu superviser l’ensemble de sa mise en scène. Dans la fosse, Ingo Metzmacher dirige la partition avec souffle et énergie, plus à l’aise cependant dans les grands moments d’effusion et en premier lieu le long octuor du second acte, que dans la poésie et le mystère qui nimbent la scène finale, conduite un peu sèchement.

Emily Magee, qui remplace Adrianne Pieczonka, est une grande professionnelle, une fine musicienne et un soprano rompu au chant straussien (elle a interprété, Ariadne, Die Kaïserin, Arabella, Salomé et Chrysothemis) : pour autant sa Madeleine ne saurait se satisfaire d’une timbre aussi monocorde auquel la transparence et la calme liquidité font défaut et qui chante plus qu’elle ne converse avec l’indescriptible naturel que savaient y mettre Schwarzkopf, Della Casa ou Lott. La pression de la première passée lui permettra peut-être de gagner en confiance et en souplesse pour évoquer les souvenirs encore vivaces de Renée Fleming, créatrice du spectacle (en juin 2004) et de Michaela Kaune, dernière Comtesse en date sur cette scène.
 
Wolfgang Koch ne possède pas le charme et la désinvolture de Bo Skovhus, mais son Comte est correctement campé, comme La Clairon de Michaela Schuster déjà là en 2012 et le La Roche enflammé de Lars Woldt. Ardent défenseur de « la musica », Benjamin Bernheim est un excellent Flamand à la voix solaire, plus convaincant que son confrère Olivier, le baryton Lauri Vasar qui prône avec moins de vigueur la suprématie des « parole ». Le couple de chanteurs italiens, Chiara Skerath et Juan José de Léon, amuse toujours, tandis que le vétéran Graham Clark émeut en Monsieur Taupe, escorté par l’élégantissime Marjordome de Jérôme Varnier. On en redemande.
 
François Lesueur

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R. Strauss : Capriccio – Paris – Palais Garnier, 19 janvier,  prochaines représentations les 22, 25, 27, 31 janvier, 3, 6, 10 et 14 février 2016 / www.concertclassic.com/concert/capriccio-de-strauss-par-robert-carsen

Photo © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

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