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Bruxelles - Compte-rendu - Wilson revient sur son Aida bruxelloise

Bob Wilson et ses assistants étaient dans la salle pour la première de cette reprise d’un spectacle qui n’a que deux ans, et ils crayonnaient tous d’abondance. Disons d’emblée que Wilson ne maîtrise pas la scène du triomphe de Radames, engorgeant l’espace scénique de la Monnaie d’une foule trop abondante qui devait être plus à son aise dans le cadre plus vaste de Covent Garden (le spectacle est une coproduction entres les deux théâtres). Mais tout ce qui relève de l’intime, l’essentiel d’Aida, était transcrit en image d’une force transcendante. Si Wilson invite toujours son univers avec un certain succès sur les terres les plus opposées, il peine parfois à entrer dans le rythme des œuvres (comme pour sa célèbre Flûte enchantée). Cette fois il s’est glissé avec une simplicité confondante dans les méandres verdiens.

Matinée de première : on pouvait voir qui avait participé à la création de la production le 30 janvier 2002 et qui entrait dans le spectacle pour sa reprise ce 10 octobre. Norma Fantini, l’Aida du moment, et son père l’Amonastro idéal, Mark S. Doss, ne laissaient voir aucune des coutures qui affligeaient le jeu des autres chanteurs, à leur différence tous nouveaux venus. Fantini dans sa grande robe romantique était comme une somnambule et ses airs se paraient de toutes les subtilités du bel canto. Un méchant tousseur affligea son air du Nil qui s’annonçait pourtant sublime, Mark S. Doss, la superbe basse lyrique de l’Opéra de Chicago, est un Amonastro naturel, immense chanteur au physique comme par sa voix, et lui aussi respirait avec aisance la gestique wilsonnienne. Au contraire, Marco Berti, dont la puissance vocale et la justesse feraient un Radames parfait si il avait de surcroît un aigu de grâce capable de diminuendo, se trouvait engoncé dans des poses qu’il subissait. Le Ramfis d’Orlin Anastassov renoue avec la grande école des basses bulgares, impérial plus que le Roi banal de Guido Jentjens.

Mais dans Aida, le vrai pouvoir appartient aux prêtres, pas au Roi. Ildiko Komlosi commença à froid, sans voix, s’économisant visiblement pour un III où elle triompha modestement. Des nouveaux venus c’est elle qui se glissait le plus aisément dans le jeu de scène complexe que Wilson exige d’Amnéris. Ono dirigeait dans des tempos prestes, attentif à la moindre nuance, filant l’œuvre d’une baguette toscaninienne. Les ballets manquaient encore de précision, cela s’arrangera, mais Wilson devrait renoncer aux gymnastiques sémaphoriques qu’il exige des choristes, autrement délicates à coordonner.

Eclairages magiques, une scène finale d’une émotion intense, commencée dans le noir de la tombe et finie sur un ciel de nuit où vibre un fil vert, le passage vers la vie éternelle. Spectacle imparfait et attachant, qui en tous cas n’est jamais en contresens avec la dramaturgie d’une œuvre que la scène dévoie trop souvent.

Jean-Charles Hoffelé

Première de la reprise de l’Aida de Verdi selon Robert Wilson, Théâtre de la Monnaie, Bruxelles, le 10 octobre 2004 et les 12, 13, 15, 16, 20, 22, 24, 26, 29, 31 octobre

Photo : Johan Jacobs
 

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