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Beaune : Mozart bat Monteverdi


Le deuxième week-end du 25 è Festival d’opéra baroque de Beaune (13 et 14 juillet) peut se résumer en deux mots : déception et enthousiasme. Le 400 è anniversaire de la création du genre opéra avec l’« Orfeo » de Monteverdi n’a pas porté chance, en effet, à ce haut lieu bourguignon du chant baroque, tandis que le jeune chef Jérémie Rhorer (photo), réinvité par Anne Blanchard après son triomphe dans « Idoménée » de Mozart l’an dernier, a su faire vivre comme rarement au concert ses« Noces de Figaro ».

Fondateur du Concerto italiano, le chef et claveciniste Rinaldo Alessandrini est l’un des plus fins connaisseurs du madrigal italien qui fut, au tournant des XVI è et XVII è siècles, l’une des armes pour lutter contre l’hégémonie de la polyphonie de la Renaissance. Il n’est pas pour autant ce qu’on appelle un chef d’opéra. Or, si l’histoire a retenu la date de 1607 avec l’« Orfeo » de Monteverdi pour marquer l’avènement du tout nouveau genre musical, c’est parce qu’il ouvre sur l’avenir en mêlant pour la première fois de façon aussi dynamique et théâtrale parole et musique : l’opéra est né, mais Alessandrini n’en a cure. En ce vendredi 13, il réagit en musicologue, non en chef soucieux de tendre les ressorts d’une dramaturgie alors toute nouvelle.

Le chef italien accentue certains contrastes de tempo ou de dynamique, mais rate l’essentiel qui est l’arc d’ensemble unissant tous les ingrédients inventés ici par Monteverdi. Sa direction en est heurtée, mais pas émouvante pour autant. Plus surprenant, la distribution a paru brute de décoffrage et surtout bien hétérogène, certaines voix frisant l’amateurisme par la banalité du timbre et la justesse approximative. Même l’Orphée du baryton italien Furio Zanasi ne réussit pas à tenir l’assistance en permanence sous le charme de son chant : un comble ! Néanmoins la firme Naïve a décidé de garder une trace de ce travail dans un coffret de CD à paraître à la rentrée.

Le lendemain 14 juillet, et cent quatre vingts ans plus tard en 1786, le mariage des mots et des notes atteint son apogée avec « Les Noces de Figaro » de Mozart portées à l’incandescence par Jérémie Rhorer. A 34 ans, c’est au jeune Karajan qu’il fait songer, à celui des fameuses « Noces de Figaro » gravées en 1948, sans les récitatifs hélas ! Même furia, même enthousiasme, même possession par le génie mozartien : voici un vrai chef de fosse ! Il ne laisse à personne – les instrumentistes du Cercle de l’harmonie, chanteurs et public – le moindre repos, de l’ouverture au lieto final pris dans un tourbillon de corps amoureux qui se précipitent à toute allure dans une folle farandole nocturne.

Le doute n’est plus permis : Rhorer et son orchestre baroque ont transformé leur essai de l’été dernier avec « Idoménée ». Mais là, il se fait de surcroît metteur en scène. Rassurez-vous, je n’ai pas forcé sur le bourgogne… Comme tous ceux qui ont percé à jour le mystère mozartien, Jérémie Rhorer a compris qu’il suffit de faire les notes comme Mozart les a écrites pour que les chanteurs esquissent le mouvement juste, comme les marionnettes suspendues à leurs fils. Tenant le tempo et la dynamique, le chef règne dès lors sur la scène : d’ailleurs, les jeunes interprètes en costume de ville n’ont pu s’empêcher de « jouer », ce qui est bon signe ! Chantant lui-même tout le livret de Da Ponte en même temps que ses interprètes, le chef les suit d’un même souffle et vit le drame de l’intérieur pour mieux le recréer.

Après ce triomphe mérité à Beaune et sur France Musique, on se réjouit que Jeanine Roze ait invité ces « Noces » au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, le 20 septembre.

Jacques Doucelin

Beaune 25è anniversaire, 13 et 14 juillet 2007

Programme du festival

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Photo : DR

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